C’est à la langue d’Imre Kertész qu’il convient de faire le lien, à la crête de deux pages, entre Franz Kafka (« il marche, marche jusqu’à arriver — à lui même. Quel fantastique raccourci ! Pourtant les détours, oui, seuls les détours constituent la vie : parce que le temps de la vie est celui des détours. Arriver au but — à soi — signifie mourir. ») et Tchernobyl (« Tchernobyl : la mort est là. Ne perds pas ton temps en choses insignifiantes. »). C’est donc en 1986 dans son Journal de galère (Actes Sud, P.185-186) et moi, du fait de ma naissance, je me suis souvent dit, c’est vrai, que Tchernobyl, oui, cela me concernait. Peut-être je l’ai entendu dire. Peut-être on me l’a répété. Peut-être c’est un mot qui a trainé le long de moi comme j’ai traîné moi-même le long de moi dans l’ombre des années d’enfance ou bien d’adolescence. Dans L’Encyclopédie, il n’y a pas d’entrée prévue pour Tchernobyl et c’est probablement une erreur ou un manque, étant entendu que ce mot, Чорнобиль, au-delà de son nom, de sa date et de son évènement, constitue un point fixe dans le temps et l’espace, comme dirait le Docteur, rayonnant aussi bien vers l’avenir (l’actuel et le déconcertant présent contemporain) que vers le passé plus obscure (mais néanmoins concerné par notre destruction du monde terrestre encore en cours au moment où j’écris ce journal, encore en cours j’en suis certain là où quelqu’un me lit, bien des années plus tard, peut-être accroupi dans le fond d’un abri anti-atomique ou d’un conduit anti-radiations noires, à supposer que de telles choses existent encore dans les années futures, mais si tu me lis de là-bas camarade mon cœur et mes pensées sont avec toi, et quelque part je te touche à l’épaule pour te dire : mais non tu n’es pas seul, je sais).

Je me retourne : voilà presque une semaine que je n’ai plus de voix. Pourtant, je m’en sers tous les jours. Est-ce possible ? J’ignore quand je la trouverai. J’ignore exactement pour quelles raisons les sbires Djébé et Subötaï, dépêchés par le Khan en 1221 pour poursuivre le sultan Mohammed de Khwârezm ont par la suite poussé jusqu’en Géorgie cette même année. N’y a-t-il pas quelque part quelqu’un qui ait écrit ce périple dans une langue qui puisse nous être offerte ? Voilà pourquoi il est idiot de dire que tout a déjà été fait, dit, pensé, que la littérature est une langue morte. Comment le croire si personne n’a écrit ce voyage (et, au-delà de Djébé et Subötaï, tous les autres, quels qu’ils soient) ?

Lecture : Borges m’oxygénise. Plus loin, première heure d’Einstein on the Beach, un labyrinthe mental (n’aurais pas tenu plus).

Par ailleurs j’apprends par la presse sportive que je consulte chaque jour le coming out de Thomas Hitzlsperger, quelques mois après avoir mis fin à sa carrière professionnelle (car c’est incompatible). J’ai joué avec lui (c’est une phrase virtuelle) plusieurs saisons durant, c’était avec Stuttgart, sur PES peut-être ou sur Fifa sûrement, c’était mon capitaine, il jouait tout devant la défense dans un milieu à trois avec Barreto (et un autre), devant il devait y avoir Schieber en pointe, Sulejmani à droite (et quelqu’un d’autre à gauche), mais peut-être confonds-je les époques et les noms.

Et tout d’un coup : silence : Purcell.


jeudi 16 janvier 2014 - mercredi 2 juillet 2025




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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)