Des fois, tu regardes un film, et c’est pas du cinéma. Tu lis un livre, et c’est pas de la littérature. Tu vas au restaurant, et c’est pas de la cuisine. Tu écoutes un album sous quelque forme que ce soit, et c’est pas de la musique. Tu regardes un match de foot, et c’est pas du foot. Et ça peut se décliner en absolument tout cette histoire. Tu crois faire une expérience, et en réalité tu consommes un produit. Parfois, même que c’est un super produit, et tu prends du plaisir, mais tu es dans la consommation de ça, et c’est tout ce qu’il y a à en dire. Jusqu’à ce que tu te retrouves dans un isoloir un dimanche pour faire exactement la même chose. Dans les transports pour aller ici ou là et idem. Même dans l’espace public qui est maintenant colonisé par des hordes de services en tout genre, par exemple des vélos ou des trotinettes en libre service (mais pas que). Et quoi qu’on fasse, on en revient toujours à ça, même quand c’est pour se dire qu’on achèterait bien du thé en vrac, maintenant qu’on a la théière adéquate, achetée dans un magasin (produit) qui s’appelle lui aussi Adéquat (parce que la vie est bien faite). Et voilà où j’en suis de ma réflexion à ce sujet, c’est-à-dire que c’est tout sauf une réflexion encore, c’est une non-réflexion, ou alors c’est une réflection de ces scènes qui reviennent et, en soi, là encore, c’est un produit. Qu’est-ce qui n’est pas un produit ? Nous. Moi. Toi. Poulpir et Tartelette (encore que Poulpir a été un produit dans une animalerie un jour, et sans doute Tartelette également, avant qu’on en vienne à la connaître). Ce mur de chapeaux que j’ai installé tout à l’heure. Le conseil de L. nous recommandant de mettre nos chapeaux sur les murs avec des punaises il y a plusieurs années. Un maté parfait. La bouture que j’ai faite il y a quelques semaines et qui ne cesse de faire des feuilles. Quant à ce qu’on écrit, je ne m’avancerai pas là-dessus, et je tâcherai d’y prendre le plus de plaisir possible avant le moment, précisémment, où ça deviendra, à n’en pas douter, un jour ou l’autre, précisément cela, un produit ; à moins que je le refuse ?


mardi 11 juin 2019 - samedi 27 avril 2024




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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)