Quelqu’un sur Twitter poste la vidéo d’un métro entrant en gare d’Akihabara, Tokyo : les annonces et autres messages automatiques, bruitages urbains, petites musiques propres à chaque station là-bas, etc., pour que les nostalgiques des voyages, ou de la ville elle-même, puissent kiffer. Pendant le confinement (lequel ?) nombreux ceux qui regardaient le monde inaccessible via des sites collaboratifs de vision par la fenêtre en webcam (et alors tu allais sans bouger de la Sibérie à San Francisco en passant par, possiblement, Akihabara). Aujourd’hui l’enchaînement des protocoles sanitaires et la comparaison permanente des pays entre eux fait que je ne sais jamais si on est confiné ou non, en couvre-feu ou pas, et si oui à partir de quelle heure, et faut-il remplir une attestation dérogatoire pour sortir et si oui aller jusqu’où, combien de pas combien de temps, et déroger à quoi, ou plutôt à qui, no sé. Même chose quand je passe d’un livre à l’autre, plutôt d’un fichier texte à un autre et que je laisse défiler la matière même d’eux, colonne justifiée allant de là à là pendant des torrents de page, ça pourrait tout aussi bien être au fond le même livre quand je m’affaire à vérifier des césures ou des rythmes de paragraphes, or donc une texture indifférente à leur propos, une gangue les contenant quel que soit le sens. Le temps plisse un peu, le froid s’en revient. J’entends parfaitement bien le silence. Je suis à l’équilibre. Un autre message sur Twitter : L’identification des insurgés du Capitole par des logiciels de reconnaissance faciale pose une question délicate : peut-on combattre le fascisme avec les armes d’un État policier ? Puis une autre citation de Maeterlinck : Il est puéril de se demander où vont les choses et les mondes. Ils ne vont nulle part et ils sont arrivés. Avant ce passage de L’homme sans qualités 1 cité par Romain Graziani qui m’incite à penser que j’ai jusqu’à présent perdu mon temps à ne pas lire ce livre (mais c’est un échec de la pensée que de raisonner ainsi) :

On ne doit laisser place à aucun désir d’aucune sorte ; même pas celui d’interroger. On doit se dépouiller aussi du bon sens avec lequel on traite ses affaires. On doit priver son esprit de tous ses outils afin qu’il ne devienne pas un outil. Il faut lui enlever toute science et toute volonté. Il faut bannir la réalité et l’ambition de se tourner vers elle. Il faut se contenir jusqu’à ce que la tête, le cœur et les membres ne soient plus que pur silence. Quand on a atteint ainsi l’extrême désintéressement, le dedans et le dehors se touchent, comme si un coin qui divisait le monde en deux avait sauté !

samedi 13 février 2021 - vendredi 26 avril 2024




↑ 1 Traduit par Jaccottet.

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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

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