Je t’ai vers moi 1. Du coude te tape la nuque en sortant dans les airs. Tu voyais pas le ballon, moi si. Une fois sorti, l’arbitre arrête le jeu. Assis par terre tu savais plus mon nom. Je crache dans mes gants, paumes ouvertes, pour que ça accroche mieux. T’ai demandé ça va, ta réponse dans tes dents, j’ai pas trop compris. Ils t’apportent à boire et un peu plus pour te mouiller le visage. Sorti de mes gants deux doigts, je t’ai demandé combien tu vois ? C’était juste. Un peu plus tard mon prénom t’es revenu mais pas l’autre. Si ça se trouve, tu le connaissais pas. Le jeu va reprendre. Est-ce que ça va aller ? Dire oui, c’est plus facile que de le savoir. J’ai besoin de toi, juste devant moi, dans l’axe de la défense. Le mot choisi : nickel. Tu marches trois mètres pour être prêt sur la touche. Je t’ai demandé d’y aller mollo, surtout sur le jeu de tête, de pas monter sur les corners. La touche se joue loin de nous et tous on remonte d’un cran. T’avais sur les mollets des chaussettes blanches et rouges, trois bandes sous le genou, alors que les nôtres elles étaient bleues, Uhlsport. Je te dis ça t’apprendra à te planter de jour entre les matchs, les entrainements. Quand on maitrise mal le calendrier ça peut arriver. Je me souviens plus du score, juste le match. Je te tape l’épaule avec le Reusch Pure Contact pour que tu saches que c’est ok. C’était pas ton premier match, mais à ce poste oui. Après, je crois, t’y es resté, t’as même gardé ton numéro perso. Je te rappelle vers moi en reculant pour boucher l’angle à gauche et je te dis vas-y, pour que tu coupes sur le côté, couvrir le latéral qui est pas redescendu. J’ai oublié quel numéro mais je revois les deux chiffres. Le ballon te tape la jambe, protège-tibias en première ligne et je te dis c’est bien et replace-toi pour le corner qui vient.

Je me souviens plus du score, juste le match et quelques phases de jeu. Je revois bien mon coude, le choc, ta nuque mais pas l’action qui l’a amené. Le ballon dans les airs devait venir d’un corner ou bien d’un centre plutôt visé deuxième poteau. Un coup franc excentré j’y crois pas car y aurait eu un mur. J’ai cru d’abord être lobé et puis derrière le dos, derrière les disques, aller chercher quand même cette toute dernière phalange qui fait souvent défaut mais que j’ai pu trouver cette fois. D’un ongle ou bien à cause de l’épaisseur du Reusch, le Pure Contact, j’ai pu dévier comme on dit « le cuir » un peu plus loin. En retombant sur toi j’ai d’abord pas senti mais moi aussi j’ai pris un coup, pointue l’épaule en plein thorax. Je l’ai vue qu’après, la trace d’impact, une tâche sur ma peau une fois le match fini, déjà dans les vestiaires. Un bleu qui était rouge et qui est resté rouge jusqu’à ce que chair reprenne. C’était pas important, ni douloureux d’ailleurs. Et comme souvenir de ces vestiaires, je vois ni cris, ni joie, ni gueules, alors je suppose, le match, on l’a jamais gagné. Défaite, j’y crois pas trop, sinon le coach t’aurait jamais gardé, toi à ce poste où je t’étais tombé dessus, celui solide où t’as tenu bon. Par élimination je penche pour match nul et je crois que j’ai raison.


Premier jet du 09/01/11

Je t’ai vers moi. Du coude te tape la nuque en sortant dans les airs. Tu voyais pas le ballon, moi si. Une fois sorti l’arbitre arrête le jeu. Assis par terre tu savais plus mon nom. Je crache dans mes gants, paumes ouvertes, pour que ça accroche mieux. T’ai demandé ça va, ta réponse dans tes dents, j’ai pas trop compris. Ils t’apportent à boire et encore un peu plus pour te mouiller le visage. Sorti de mes gants deux doigts, je t’ai demandé combien t’en vois. C’était juste. Un peu plus tard mon prénom t’es revenu mais pas l’autre : mon nom de famille. Probablement que tu le connaissais pas. Le jeu va reprendre. Est-ce que ça va aller ? Répondre oui, c’est plus facile que de le savoir. J’ai besoin de toi, juste devant moi, dans l’axe de la défense. Le mot choisi, c’était nickel. Tu marches trois mètres pour être prêt sur la touche. Je t’ai demandé d’y aller mollo, surtout sur le jeu de tête, de pas monter sur les corners. La touche se joue loin de nous et tous on remonte d’un cran. T’avais sur les mollets des chaussettes blanches et rouges, les trois bandes sous le genou, alors que les nôtres étaient bleues et Uhlsport. Je te dis ça t’apprendra à te planter de jour entre les matchs, les entrainements. Quand on maitrise mal le calendrier ça peut arriver. Je me souviens plus du score, rien que le match. Je te tape l’épaule avec le gant Reusch Pure Contact pour que tu saches que c’est bon. C’était pas ton premier match, mais à ce poste oui. Après, je crois, t’as plus bougé, t’as même gardé ton numéro perso. Je te rappelle vers moi en me reculant pour boucher l’angle à gauche et je te dis vas-y, pour que tu coupes sur le côté, couvrir le latéral qui est pas redescendu. J’ai oublié quel numéro, deux chiffres je crois. Le ballon te tape la jambe, plein sur le protège-tibias et je te dis bien et replace-toi pour le corner qui vient.

Je me souviens plus du score, rien que le match et quelques phases de jeu. Je revois bien mon coude, le choc, ta nuque mais pas l’action qui l’amène. Le ballon dans les airs devait venir d’un corner ou bien d’un centre plutôt visé deuxième poteau. Un coup franc excentré j’y crois pas car il n’y a pas de mur. J’ai cru d’abord être lobé et puis derrière le dos, derrière les disques, aller chercher quand même cette dernière phalange qui fait souvent défaut mais que j’ai pu trouver cette fois. D’un ongle ou bien grâce à l’épaisseur du gant Reusch, le Pure Contact, j’ai pu dévier comme dit « le cuir » un peu plus loin. En te tombant dessus j’ai d’abord pas senti mais moi aussi j’ai pris un coup, pointue l’épaule en plein thorax. Je l’ai vu qu’après, la trace d’impact, une tâche sur ma peau une fois le match fini, déjà dans les vestiaires. Un bleu qui était rouge et qui est resté rouge jusqu’à ce que chair reprenne. C’était pas très important, ni douloureux d’ailleurs. Et comme souvenir de ces vestiaires, je ne vois ni cris, ni joie, ni gueules, je suppose que ce match on l’aurait pas gagné. Perdu non plus, me semble, sinon le coach t’aurait pas gardé là, ce poste où je t’étais tombé dessus, celui solide où t’as tenu bon. Je penche pour match nul.


lundi 18 avril 2011 - samedi 27 avril 2024




↑ 1 La chanson dont est extrait fragment « in our days we will say what our ghosts will say » s’appelle Resurrection Fern, sur l’album The Shepherd’s Dog de Iron and Wine (2007). Plus loin les mots « Like stubborn boys with big green eyes
We’ll see everything »
, c’est le passage auquel fait référence Pierrot dans son texto.

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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)