The Beatles



  • 170513

    17 mai 2013

    Notre dernière acquisition technologique est un machin capable de projeter au mur l’heure digitale du réveil, de cette façon l’heure rouge est toujours bien visible, phosphorescente, comme les dernières paroles d’un corps assassiné qui tracerait sur les murs de son sang le nom les lettres de son bourreau en fuite.

    D’autres grammes : 2.3 de paracétamol et le reste en opium, caféine, autres (la gélule sur ta langue a le goût du café) et une migraine niquée. Coincés dans la tête, certains airs de certaines chansons peuvent éteindre ou attiser le crâne. I Wanna Hold your Hand l’éteint. Run Joey Run l’attise.

    Ce qui suit la migraine effacée c’est toujours l’euphorie d’une victoire. J’ai marché sur ce truc. Je suis plus fort que ça. Et l’impression idiote que cette victoire serait irréversible.

    Mueller (59 mots) :

    Le soleil souffle vers eux son haleine. Eux : Le
    Cap & ses corps charbonneux. Son haleine : celle
    émanant de la mer à quelques lieues d’ici. Ici :
    quelque part où les clavicules fines se cambrent
    & où le bruit du sable mastique le bruit du vent
    & où le jour & la nuit se chevauchent : sous les
    paupières d’un homme seul qu’on appelle Mueller.

  • 210513

    21 mai 2013

    Il est quoi 17h42 j’ai pas de migraine. J’écris ces mots pour dire que c’est une performance de n’avoir pas de migraine. J’ai rien pris rien de chimique. Me suis contenté rester droit sur mon siège faire mon taf me réciter en tête I wanna hold your hand rester calme manger soft. Me suis fixé des objectifs chiffrés comme genre : si à 13h j’ai pas mal j’aurais plus jamais mal ou genre : si à 16h, si 17h, si 17h34. J’arrive je frôle le point de non-retour, le 17h34. Tu sais, comme dans Retour vers le futur, le III, quand le Doc place un point sur la maquette où il est écrit point of no return. Ce que ça veut dire, c’est qu’au-delà de ce point fixe, la Delorean propulsée par une locomotive survitaminée n’aura plus assez de champ devant elle pour s’arrêter avant d’atteindre le ravin : voilà exactement ce que je ressens actuellement : voilà précisément où je suis : à la dernière distance vitale du ravin : j’ai pas mal : j’ai presque mal mais j’ai pas mal.

    23h03 : retour de la clinique vétérinaire. Y avons déposé Soupir, malade encore. Dans l’un des boxs un écriteau qui donne le nom prénom d’un lapin mal en point avec l’indication plus d’incisives, couper ses légumes.

    Mueller (33 mots) :

    L’ombre poisseuse sous les plantes de Mueller se
    déplace en quinconce. Elle a des lèvres & elle a
    sur ces lèvres des mots suspendus prêts à éclore
    (Mueller ignore ce qu’ils signifient, ces mots).

  • 100114

    17 janvier 2014

    La larme à l’oeil (c’est une chanson des Beatles). Quantité d’êtres humains patientent derrière mon dos dans mon ancien appartement de poussière, ces corps attendent que je les guide à un congrès pharmaceutique ou médical dans lequel, probablement, le Docteur Porc serait (nous nous sommes mis en marche).

    Comme il est difficile de reprendre, après trois semaines hors texte, le fil des relectures et de ses corrections. L’étrange, la déformation des espaces mentalement esquissés (et retenus ainsi), l’oubli des petites choses, la lassitude des mots... Au fond, personne n’est capable de me fournir la preuve que ce texte est réel, qu’il a été écrit sous mon contrôle et sous ma bienveillance. Quelqu’un lui a donné le titre de Transoxiane, c’est peut-être moi mais je ne suis pas le mieux placer pour dire. C’est un épisode un. Je ne sais pas si je dois le poursuivre. Avant la nuit, hier, j’ai écrit quelque chose sans raison sur Bajir, ça n’avait pas de nom, ce serait même mort-né mais sauvegardé quand même dans la machine, prêt à être relu dans cinq ans, douze, quarante. J’ai des désirs très simples : pouvoir bâtir un jour des textes destinés à des éditeurs que j’aime en tant que lecteur (Walrus ou le Vampire Actif). Le fond de ma pensée c’est que le kiff doit me faire continuer, c’est tout, mais je sais bien aussi que cela fait des mois maintenant que je devrais m’être focalisé sur ça, ///, que j’ai très peur de m’y lancer pleinement, corps et cage, que je n’ai pas le temps de m’éparpiller de cette façon dans des projets périphériques (mais je les aime ces trucs périphériques).

    Relisant les entrées du journal datant du 4 et du 5 janvier précédent, usant d’un mot que j’aime et que je sors de terre (je l’appelle mortalise), j’imagine le squelette d’un poème, il serait de la race des textes dits reflowable, ce ne serait qu’une page et une seule réécrite, prolongée, déformée chaque jour et dont chaque nouvelle couche d’écriture numérique serait sauvegardée via le prisme liquide des révisions sur Spip telles que je les utilise depuis plus de douze mois. J’ai un titre, une fragrance et une âme. Ça s’appellerait L’effervescence ce truc.

    Einstein on the Beach. Je le découpe par demi-heures (autrement comment faire ?). Mercutio disait bien, apercevant le corps de l’autre, livide : Without his roe, like a dried herring. O flesh, flesh, how art thou fishified !.

  • 150120

    15 février 2020

    À la radio, quelqu’un dit : je ne lis que les morts. Pourquoi pas, après tout. Mais si on ne lit que les morts, et qu’on écrit aussi, la langue que l’on fait sortir de nous, est-elle une langue morte ? C’est une vraie question. Il n’y a pas de mépris, ou d’ironie, ou de jugement de ma part. Je m’interroge. Ce qui rend nos écritures contemporaines, puisque c’est le mot qu’il convient d’employer, cela vient de nos vies ou de ce qu’on s’expose via la lecture à d’autres vies que la nôtre, des vies actuelles, d’aujourd’hui ? L’autre jour je disais à E. : c’est normal d’écrire de la mauvaise poésie 1 quand on a 18 ans. Certains d’entre nous écrivent même de la mauvaise poésie à 33 ans. Et d’autres passent leur vie à écrire de la mauvaise poésie. Mais il suffit d’une fois. D’un rythme. D’un beat. D’une pulsation. On vit dans l’espoir de ça. Peut-on écrire de la poésie avec des mots comme ACAB ? Je cherche ce que veut dire ACAB. Ça n’a rien à voir avec le capitaine du même nom, encore que Achab puisse être considéré comme un bastard. Les gens d’Ulysses sont-ils des bâtards pour ne pas permettre l’export des projets qu’on écrit dans leur écosystème en plusieurs sheets ? Dans ces applications d’écriture, on ne travaille pas sur un seul document par projet, on travaille sur des feuilles disjointes (sheets, donc), qui peuvent correspondre à une scène, ou un chapitre. Quand on veut les exporter (pour pouvoir les retravailler dans un vrai traitement de texte par exemple), on sélectionne toutes nos feuilles et ça en fait un fichier global. Un roman composé de chapitres devient alors un roman complet. Mais quand on veut exporter le tout en gardant cette fragmentation, par exemple pour passer dans un autre outil d’écriture (Joplin), on ne peut pas garder la séparation en feuilles. On doit donc le faire feuille par feuille, ce qui est fastidieux et, de toute façon, il me faudra quoi qu’il arrive fastidier car je me rends compte en faisant mes tests que les tags et les mentions de type commentaires (entre %%) ne sont pas exportées. Misère à poil, aurait dit C., et j’ignore s’il faut ou non mettre un s à poil dans cette expression. Ce que je sais en revanche, c’est que j’ai toutes les peines du monde à remplir ma playlist 2020. Là, je plafonne à six chansons, 23 minutes de temps, et des trucs qui ne sont pas franchement actuels : telle reprise de « The Man Who Sold the World » que nous injecte la Secret Bowie Society depuis l’espace probablement, pendant que la Blackstar continue d’orbiter autour de nous dans l’ombre (ou le contraire), une autre de « Because » des Beatles par Vienna Teng et Brandon Ridenour. En fait, une seule chose que je ne connaissais pas jusqu’à il y a quelques jours, mais quelle chose : « Hana » de Asa Chang & Junray. C’est très expérimental. C’est parlé. C’est le rythme de la parole et des mots. Ponctuation, percussion, souffle. C’est vraiment ouf. Sinon, rien. Quand ça chante, j’écoute pas. J’ai un problème avec le rock (le rock est mort depuis Dark Side of The Moon dixit Benoît ’Farigoule Bastard’ Vincent), j’ai un problème avec la pop. J’allais écrire j’ai un problème avec la popo, mais je n’ai aucun problème avec la popo, sinon que ce courant musical du futur n’a pas encore été inventé. Ou peut-être est-ce précisément ce que joue le sélecteur du lave-linge pendant plusieurs secondes ? Un espèce de rythme binaire froid. Justice nulle part, bip-bip de l’électroménager partout. C’est littéralement inhumain, comme son, et c’est sans doute ce qui me plait. Hier, je me disais que telle piste de Colleen ferait une bonne sonnerie de portable (car c’est à ça qu’est réduite la musique au jour d’aujourd’hui (sic) : à une forme de jingle). Une notification m’apprend qu’un grand magasin célèbre pour avoir été racheté par le Qatar il y a quelques années fait sa rentrée. C’est ça, au fond, qui est inhumain. Et voilà ce qui me touche : dans les récits d’aventure, c’est chez les héros qui a priori n’ont rien d’humain (les super-héros, les monstres ou les être robotiques) qu’on trouve des preuves d’humanité les plus touchantes (car imprévues a priori), alors que la majorité des gens réels qu’on nous montre partout font surtout la preuve de leur absence d’humanité. Moi-même, je ne me sens pas très abité par des sentiments humains. C’est le problème des images et des récits simplistes. Ils nous arrachent à notre sensibilité humaine, à nos fragilités. Par exemple, avoir montrueusement faim en plein milieu de la journée après avoir mal géré le nutriscore de soi, c’est une fragilité. Je me méfie de l’huile de sésame quand bien même l’huile de sésame semble être dotée d’un pouvoir merveilleux : rendre les choses fades bonnes, notamment couplée à la sauce soja. Là, c’était des crevettes et des poivrons avec des nouilles de riz, et il a fallu que je m’en remette aux radis pour survivre. Je ne me fais pas d’illusions sur mes (non) capacités à pouvoir regarder le match de ce soir. Je fais l’erreur de croire que parce que j’ai râté un match spectaculaire dimanche, celui de ce soir, contre la même équipe, le sera tout autant. Toutes les probabilités montrent en réalité que ce sera un match ennuyeux. C’est le cas. Je le regarde vaguement sur l’écran einké du BM3, ce qui est peu lisible. C’est saccadé. Parfois on perd de vue le ballon. Est-ce utile de distinguer le ballon dans le football business d’aujourd’hui ? Du moment que tu ne perds pas de vue les sponsors... C’est amusant : à cause de la rémanence, très forte dans ce mode qui favorise la fluidité, sur les plans larges, on a la sensation que les déplacements des joueurs génèrent une trace grise qui les suit, comme si nous avions sous les yeux non pas vingt-deux millionaires en short (et un arbitre) mais vingt-deux escargots sécrétant leur trainée de bave (et un arbitre-limaçon parmi eux). Et, de toute évidence, ça va mieux. Est-ce à cause de la bave ?

  • 160620

    16 juillet 2020

    Si je me retrouve à visiter des logements jusque dans mes rêves, c’est sans doute un signe. Mais de quoi cet autre signe est-il le signe : que tous ces logements aient une chose et une seule en commun, à savoir qu’ils ressemblent à des fusées prêtes à se lancer dans un interminable (mais vivifiant) voyage intersidéral ? Je ne suis qu’« Under the moonlight ». C’est un morceau d’ambiance qui figure sur la bande-son de Radical Dreamers, un jeu Super nes jamais paru en Europe et dont on peut considérer qu’il fait le lien entre Chrono Trigger et Chrono Cross sans être pourtant ni la suite du premier ni la préquelle du second. On entend l’eau qui coule. Des grenouilles. On est sous la lune, quoi. Il y a quelques mesures mélancoliques, un thème, presque rien, après, répété deux fois, doucement, vraiment c’est peu. Mais j’ai ce thème dans la tête qui illustre pleinement ma mélancolie, je pense, sans doute un autre signe qui implique : quitter sa mare aux crapauds, prendre un nouveau départ pour la vie. Le truc, c’est que je ne supporte plus mon actuelle mare aux crapauds. Je ne supporte plus les immeubles près des fenêtres, de ne voir que des immeubles blêmes dans une lumière vitreuse tout le temps. De même que le bruit, la pollution, les crapauds (je veux dire les gens) en général, et ainsi de suite. Dehors, c’est plutôt « Hey Jude ». Je reformule : quelqu’un sifflotte « Hey Jude ». Je suis ok avec ça. Je tolère. Ça ne fait pas partie des choses qui me donnent envie de partir. Il aurait sifflé dans les parties communes de l’immeuble, oui. Mais là, non. Alors je me dis, un chou rave. Des pommes de terre au four. De la farine de patate douce. Quoi faire avec ?


  • ↑ 1 Je renvoie ici à Jérôme Orsoni non car j’estime qu’il écrit de la mauvaise poésie mais parce que cette expression-là, je la lui emprunte.