They say you never recognize your own voice when you first hear it played back on tape. And when you see yourself on video tape, or like this, ina 3-D hologram, you don’t recognize yourself visually either. You imagined you were a tall fat man with black hair, and instead you’re a tiny thin woman with no hair at all . . . is that it ? I’m sure I’ll recognize Bob Arctor, he thought, if by nothing else than by the clothes he wears or by a process of elimination. What isn’t Barris or Luckman and lives here must be Bob Arctor. Unless it’s one of the dogs or cats. I’ll try to keep my professional eye trained on something which walks upright.

Philip K. Dick, A Scanner Darkly

D’abord quelqu’un, n’importe qui. Il ne répondrait plus aux mails, ou à un mail en particulier, et ensuite, seulement, à un deuxième, et puis, derrière le deuxième, tous les autres sans exception. Puis aux courriers. Aux coups de téléphone. Aux appels qu’on lui lance dans la rue. Aux requêtes professionnelles. À l’interphone, quand il sonne. Aux phalanges et aux poings sur la porte, quand il y en a. Ensuite il ne sort plus de chez lui. Peut-être chronomètre-t-il (mais quoi ?) et peut-être qu’il compte. Combien de temps peut-il rester en silence en soi-même et tout seul ? Sans rien dire. Penser presque. Qui va défoncer la porte et quelqu’un, n’importe qui, la défoncera-t-il et, si oui, pourquoi au juste ? Et pour qui ? À un moment ou à un autre, il lui faudra sans doute émigrer ailleurs, où personne ne saura le trouver, où personne… Où personne. Mais toujours au cœur de la ville, ou d’une ville, quelque part où il pourrait voir, je sais pas, mettons, la circulation des corps anonymes, peut-être un bâtiment désaffecté, l’étage et demi d’un immeuble avec vue sur la rue. Peut-être qu’il en croisera quelques uns et quelques uns le verront. Peut-être pas. Il faudra aussi résoudre la question du boire et du comment s’alimenter, pourquoi et quand et avec quelles ressources. Savoir si ce silence est un silence total, inaltérable ou si des bribes subsistent ou peuvent subsister (d’ailleurs pense-t-il ? et, si oui, penser est-ce aller à l’encontre du silence ?). Peut-être que penser va à l’encontre du silence. Qu’en est-il du bruit extérieur, par exemple le bruit de la rue, mais aussi les paroles et les pensées d’autrui ? Je ne crois pas qu’il aille à l’encontre de ces bruits là. Sans doute déglutira-t-il sans émettre le moindre son. Ou du moins tentera-t-il. Qu’en est-il de la mastication ? Le son de la mastication. Respirer, tousser, éternuer peut-être. Pisser contre le mur de l’appartement vide. L’écho quand l’estomac rauque aussi craque (la faim, relire un jour La faim de Knut Hamsun). Vomir. La merde dans l’eau du fond des chiottes, l’hoquet des articulations. Le hoquet. La nuit, des fois, ronfler, ou, bien pire !, crier au fond de son sommeil sans même s’en rendre compte, est-ce que ça, ce cri hypothétique, involontaire, cette seconde au hasard de sa gorge, ça pourrait remettre en cause des jours, mois, des années de silence quasiment ? Et, quand bien même ce serait le cas, est-ce une raison suffisante pour abandonner toute pratique du silence ? J’arrive au bout du truc avec ce hurlement inopiné. Peut-être à creuser pour JN. Peut-être un récit parallèle de ///. Mais je crois avoir déjà pris en note cette idée, il y a plusieurs années, après notre arrivée Y. ; chercher dans les archives du crâne, comparer les quelques mots et comparer les silences. Voir.

Piano : la Metamorphosis « Mad Rush ». Fascination pour elle, mise en abyme du tout, comme chaque, car chacune porte en elle sa propre métamorphose, et chacune opère sa propre lente réincarnation en elle-même, un elle-même légèrement identique ou légèrement différent de l’air précédent, comme une boucle viciée, et le Mad Rush est plus encore exposé à la vrille, plus long, plus agressif aussi et plus désespéré et je ne sais pas comment il commence ni comment il finit, beaucoup de notes, et les touches du piano, elles empiètent les unes sur les autres, ce serait comme pas finir mes phrases et faire que les lettres et mots s’entrecroisent et se marchent sur les autres (c’est la musique de la mélancolie et lancolie de la dépression celle qu

Penser à ça pour JN : une lente réincarnation en soi-même.


mercredi 17 octobre 2012 - lundi 29 avril 2024




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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)