Werner Kofler



  • 010511

    1er mai 2011

    Tape dans Google l’expression voyage, et le blanc de la page te sort voyage sncf.
    Tape dans Google l’expression voyage d, et le blanc de la page te sort voyage dernière minute.
    Tape dans Google l’expression voyage da, et le blanc de la page te sort voyage dans le temps, suivi de près (mais devançant toujours) les expressions voyage dans l’espace, voyage dans les îles, voyage dans l’anthropocène et voyage danemark.
    Je n’invente pas : Google me le raconte.

    Par la fenêtre se balancent deux corps qui descendent la façade de l’immeuble comme on dévale une falaise : à la verticale, les deux rattachés à l’en haut par un câble, un baudrier, un mousqueton : exactement le genre que je possède sur mon porte-clés en temps normal. Ils sont censés guérir le toit qui fuit depuis quelques semaines sur notre palier de porte et quand on demande à l’un des narrateurs multiples et schizophrène de Derrière mon bureau s’il possède des armes, voilà ce qu’il répond :

    Plusieurs machines à écrire de divers calibre, un couteau à cran d’arrêt à lame qui se bloque, acheté en Italie et passé à la frontière dans la voiture de mon cousin, le juge, avec son accord, ainsi qu’un MG42 impeccable et en état d’usage, monté à la fenêtre.

    Werner Kofler, Derrière mon bureau, Abaslon, traduction : Bernard Banoun, P. 140.

    et j’aimerais bien lui emprunter son cran d’arrêt à lame qui se bloque et le passer moi-même à travers la fenêtre pour y couper les cordes, les mousquetons, les baudriers, et puis ensuite voir apparaître les deux bonhommes qui viennent m’en coller une après avoir littéralement remonté le temps pour que je ne les assassine pas, oui mais dans ce cas qui sont ces deux cadavres démembrés qui se répandent quelques étages plus bas ?

    Pas vu de lumière du soir, pas de vapeur bleutée, devant sa cabane n’est assis tranquillement à l’ombre nul laboureur, nul homme content dont la cheminée fume ; pas vu la primevère glutineuse, ni la bleue ni la jaune, ni le sureau en fleurs, ni l’oeillet des glaciers, ni le martagon, rien vu, ni les mélèzes, ni les arolles, ni le genévrier, arbuste sacré des Celtes.
    Rien vu ; ni le scintillement de Saturne au firmament, ni la lune pré-apparaissant au-dessus de la croupe de la montagne, derrière la forêt. Tout vu, rien vu. Entendu la pluie. Jamais été là-bas.

    P.154

    À une époque, derrière mon bureau littéralement, je comptabilisais tous les textes arpentés, par hasard ou par goût, et qui avait rapport au voyage dans le temps. C’était involontaire, c’était inattendu, c’était coïncidence. Cette semaine j’ai appris que la dernière usine à produire des machines à écrire avait cessé l’activité, et que la machine à écrire (une arme d’après Kofler) était par conséquent devenu officiellement un objet du passé. Mais nulle trace dans ces articles qui font références à ce non-événement de la fameuse machine à écrire à voyager dans le temps à laquelle j’ai pourtant rêvé et dont Google ne me donne aucune résurgence, où que ce soit, à n’importe quelle époque, futur, passé, présent.

  • Atopia, petit observatoire de littérature décalée

    13 mai 2011

    « Ecrire, c’est marcher en montagne dans sa tête. »
    Werner Kofler, Derrière mon bureau

    Nombreux sont ceux qui, comme moi, ont fait de l’excellent blog d’Eric Bonnargent Bartleby les yeux ouverts une étape indispensable de ce qu’on appelle l’Internet littéraire. À présent que ce blog est fermé (Eric Bonnargent co-animant depuis quelques mois un autre site, L’anagnoste, que l’on recommande également au passage) il débouche sur un livre, dont le titre décalé interpelle. Atopia, petit observatoire de littérature décalée n’est pas une adaptation copié/collé du blog en livre mais bien la synthèse d’un travail effectué sur le net durant trois ans et demi. Ce texte, plutôt élégant et très bien organisé, se propose d’explorer en particulier la notion d’atopia (sur laquelle nous allons revenir), le tout à travers la littérature contemporaine sans restriction de langue ou de frontière. Atopia est édité par les éditions du Vampire Actif, à qui l’on devait déjà l’excellent La vieille au buisson de roses (dont j’ai déjà parlé il y a plusieurs mois ici-même).

    Littéralement, a-topos, signifie « sans lieu ». Est atopos celui qui n’est pas dedans, pas à sa place, celui qui, comme Socrate ayant l’air d’un étranger à Athènes, se tient en retrait et qui, plutôt qu’agir, pense le monde sans parvenir à s’y insérer. Même si selon les contextes, cela ne conviendrait pas toujours, le mot français correspondant le mieux à atopos serait sans doute décalé, qui a pour avantage de sous-entendre l’idée d’être là sans y être.

    Eric Bonnargent, Atopia, petit observatoire de littérature décalée, Le Vampire Actif, P. 14

    Voilà la première définition lancée par Eric Bonnargent en préambule de son traité. Ce paragraphe apparaît dans une introduction intitulée « I would prefer not to », clin d’oeil au Bartleby originel, sans doute l’un des atopos en chef des personnages de littérature (et, à travers lui, on pense bien sûr aux livres de Jean-Yves Jouannais et d’Enrique Vila-Matas qui ont contribué chacun à sa manière à explorer la question). L’autre définition de ce terme avec lequel on n’est pas, a priori, spécialement familier, se construira au gré de l’écoulement du livre, à travers les quelques trente œuvres présentées au sommaire. Le voyage s’effectue via les livres des autres, à travers la fiction, voguant sur « le fleuve de fond de la littérature qui ose explorer l’envers du décor », comme l’écrit Antoni Casas Ros dans sa préface.

    Ce petit observatoire n’a pas pour vocation de dresser une étude critique exhaustive sur la question de l’atopia. Dans le titre, le mot « observatoire » n’est pas là par hasard. Les articles proposés sont assez courts (dix pages ou moins) et tous focalisés sur une œuvre en particulier. Leur brièveté n’empêche pas la qualité de l’analyse, elle-même toujours fine, plutôt accessible, très agréable à lire, toujours agrémentée de citation toujours très bien choisie, et bien intégrée au texte. Quant aux auteurs présentés, ils sont de toutes nationalités et de toutes sortes. Des plus connus (Gide, Pessoa, Borges, McCarthy) aux plus inattendus (Erofeiev, Brinkmann, Marechera). Le voyage proposé (car c’en est un) est total.

    Ce qui doit arriver arrivera, rien n’a d’importance.

    P.105

    Atopia est découpé en dix grands axes (que l’on peut consulter en accédant au sommaire sur cette page). Entre chacun de ces grands axes, Eric Bonnargent y intercale de courtes citations d’auteurs qui auraient pu figurer parmi ces pages mais qui n’y sont pas. Ils participent au livre sans y être. Ils sont eux-mêmes atopos en cela. Comme toujours, les citations sont parfaitement choisies et découpées, elles ne sont pas là pour la forme : elles aèrent, elles appuient le tracé mis en place dans le livre. « Il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer », écrit Beckett dans L’innommable. Il s’agit d’une de ces citations d’entre-deux, flottant entre les pages, aiguillant discrètement la lecture.

    Je l’ai écrit plus haut : lire Atopia, c’est accepter de faire un voyage entre les œuvres, un voyage éparpillé dans la fiction des autres. Lire Atopia, comme à l’époque suivre le blog Bartleby, c’est une porte d’accès vers d’autres littératures. Même en dissertant sur des auteurs déjà adoubés par l’Histoire Littéraire, Eric Bonnargent s’évertue à orienter son analyse sur des œuvres moins lues, moins connues ou moins commentées que les titres majeurs. Le but du jeu de cette lecture, c’est justement de jouer le jeu. D’apprendre à découvrir (la plupart de ces livres, je ne les ai jamais lus et une partie de ces auteurs m’était totalement inconnue) pour pouvoir poursuivre, au-delà de l’observatoire, les fictions traversées. Et ça marche, chaque article d’Eric Bonnargent donnant véritablement envie d’en lire plus. Voilà pourquoi Atopia n’est pas un bon investissement : on ne le lit pas pour pouvoir s’économiser la lecture des textes qui y sont abordés, on le lit pour ensuite acquérir et dévorer d’autres livres. Tous, tant qu’à faire.

    L’écriture est un art, la lecture en est un autre. (...) Si, pour un homme, « être c’est être perçu » , pour un livre, « être, c’est être lu ». Mon intention, en écrivant cet ouvrage, était d’aider certains livres à exister pleinement.

    P. 291

    Atopia défend de toutes ses forces une littérature exigeante, une littérature qui a du corps. Une littérature, quelque part, assez désespérée aussi, comme on le lit au sujet de L’écrivain et l’autre de Carlos Liscano :

    L’écriture est inutile parce que l’écrivain n’est jamais lu et qu’il ne peut pas atteindre ses objectifs. À mesure qu’il écrit, l’écrivain, le vrai, pas l’auteur de best-sellers, se fait de plus en plus exigeant et se sent de moins en moins à la hauteur.

    P. 214

    Le désespoir, l’impression permanente d’être résolument étranger à ce monde en mouvement qu’on ne fait que traverser, c’est un des points récurrents dans les œuvres choisies. « Les choses sont pareilles aux choses » d’après Antonio Caballero (P.209). D’ailleurs, l’atopia est un symptôme dépourvu de traitement : on ne s’en défait pas. Les dix grands axes présentés par Eric Bonnargent sont autant de pistes pour évacuer ou accepter cette condition mais « rien n’a d’importance » pour reprendre ma citation de tout à l’heure, ou plutôt : rien n’est suffisant. Probablement car le lecteur est de mèche. Celui qui lit est lui-même en pleine atopia, en train « d’échapper au réel et de le nier ». Avec ce Petit observatoire de littérature décalée on se décale encore : voici trente œuvres ou trente auteurs à découvrir ou à approfondir à la lumière d’une analyse personnelle et vivante. « On vit ou on lit », écrit Eric Bonnargent un peu avant la fin du livre. Lecteurs, nous sommes à notre tour condamnés à l’atopia, cet exil immobile dont l’atmosphère nous est si familière. Voilà aussi l’objet de cette lecture car, oui, nous avons nous aussi choisi de lire, autrement nous ne serions pas là.

  • 160911

    16 septembre 2011

    Gare de C., entre deux bombes

    Les jours raccourcissent. J’en suis au stade de la fiction mentale : ces idées que je disperse, sur le papier dans ma tête, puisque jamais écrites ne sont jamais gâchées. Je me retiens de tout écrire, de commencer le sacrifice. Et tout est beau, tout est vrai, tout est brillant tant que rien n’est posé, encore moins dit. Mon odyssée cosmique, « vies // », n’a toujours pas de titre. Pour ces mêmes raisons ça me soulage, mais, fatalement, du coup, je ne peux pas le taguer dans ce journal. Je crains pour la traçabilité de l’ébauche dans le temps. T majuscule plutôt. 

    Les hurlements du voisin husky me manquent. Sans eux les cloches de l’église, toutes les heures ou même pire, sont privées de leur fonction : déclencher à distance les échos de sa gueule vers la lune attirée. La lune.

    Chaque matin je pourrais dresser portrait, photo ou mime des ces gueules là d’habitués du PMU, mêmes gueules, mêmes tasses, mêmes membres embarrassés et inutiles de tous cotés des côtes.

    Providence de Juan Francisco Ferré est disponible en numérique, je prends. Même trop cher oui je prends. Tant qu’à faire ne plus, ne pas, continuer à empiler les couvertures, souples ou pas souples, poche ou pas poche, au dessus de mon écran, mes yeux. Avant et après futur déménagement conditionnel (encore fictif). Je regrette que les éditions Absalon n’aient pas imité Passage du Nord Ouest pour le nouveau Werner Kofler. Je l’attendrai, peut-être, peut-être pas. Vivement venir le jour où Amazon lancera son offre d’abonnement illimité. Deux ans ou plus après les abonnements Publie il est bien temps.

    Que dire du court, du long, numérique ou papier. Lisant matin préface aux Villes invisibles de Calvino 1, je trouve sa méthode d’écriture par fragments si proche de celles, numériques, qui consistent à publier des strates de paroles, couche par dessus couche, et à classer les textes de manière transversale : je pense aux tags. Nous écrivons comme ça. La seule différence avec son époque, c’est qu’ici tout est écrit, plaqué puis lu en quasi simultanéité. Calvino dit lorsque la chemise est bien remplie penser au livre. Dans mon cas rassembler, trier, et envoyer Publie. A la lumière de ces mots relire l’article déjà lu hier, René Audet, initulé « Le long, le bref et le truchement numérique ». “ Je suis porté à penser que le numérique opère un déplacement,un peu comme le western spaghetti, présent en sous-texte dans mon titre, a conduit à un remodelage du genre western canonique. ” Et moi pourquoi m’en tiendrais-je au très bref ? J’ai des envies d’interminable. Et pourtant mon machin, sans titre, « vies // », est bien le même amas de couleurs brèves que je sais déjà faire. Oyssée ou pas. Cosmique ou pas.

  • 220911

    22 septembre 2011

    Dans l'escalier, 23 août

    On me prend pour un autre. Une station de radio inconnue me réveille à heure fausse : « ravalez les cartables », qu’ils disaient. Une vitrine du Printemps, boulevard Haussmann, m’adresse automate la parole, d’outre tombe sans doute : la voix se signe Alexander McQueen. Suicide-moi, pourrais-je te dire. Je n’ai pas trouvé Werner Kofler. J’en suis réduit, ici Fnac, à le chercher. Je bute sur les K. L’ambiante médiocrité bute sur moi,

    Matriochka (cliquer)

    Elle aime lire, il lui dit, elle aime assez lire. Perplexe la vendeuse au gilet. Mais encore ? Elle aime les auteurs russes. Ok, dit le gilet, allons voir côté Tolstoï. Oui, dit-il, oui mais pas trop récent.

    toute la journée elle bute,

    Matriochka (cliquer)

    Grand Corps Malade c’est super. Vraiment super. Profond. Ça te tripote le cœur. Parfois le rap c’est violent. C’est la violence le rap. Sauf lui. Et comment qu’il s’appelle… Zola ? Non… Si… Voilà… Emi Zola. Lui c’est plus vieux mais c’était bien aussi.

    et tout d’un bloc

    Matriochka (cliquer)

    Les chinois faut qu’on arrête un peu ils sont pas pauvres ça non. Si tu voyais tout ce qu’ils dépensent en trucs de luxe. Vuitton tu sais. Mais c’est une autre culture là-bas. Et puis z’ont pas besoin de manger grand-chose, un bol de riz ça coûte pas cher.

    je suis buté. Sur les rayons je vois le Providence papier, bien plus épais que celui commencé cette semaine sur ma Sony et qui me déçoit, je crois, assez. J’arrache des pages à même la poche de certains livres vus. À l’aide de l’œil, avec l’iPhone, je vole, ne serait-ce qu’une image, la leur, qui sait peut-être un peu de leur âme aussi. Ce que je lis sur les premières pages de Chiens féraux me désespère. « Apporteur d’ouvrage » et pas co-édition ? 2 Première édition ? Pré-édition ? Le numérique voilà ce qu’il vaut. Ça ne m’empêche pas de payer, papier, Le Centaure dans le Jardin de Moacyr Scliar, et tant pis pour le stock, ici, Y., de ces tonnes de papier qui font masse. Il faudrait vivre à la place pour découvrir de l’intérieur la vie des autres. Désespérante. Bien sûr que je les juge, je dis à H., la nuit tombée, veille d’aujourd’hui, au coin de la rue qui mène chez nous. Bien sûr que oui. Je dors dessus.

    (…) par fervente estude (…) est
    faicte incredible resolution des espritz, tellement qu’il
    n’en reste de quoy poulser aux lieuz destinez ceste resudation generative, & enfler le nerf caverneux : duquel
    l’office est hors la praiecter pour la propagation
    d’humaine Nature. Qu’ainsi soit, contemplez la forme
    d’un home attentif à quelque estude. Vous voirez en
    luy toutes les artères du cerveau bendées comme la
    chorde d’une arbaleste, pour luy fournir dextrement
    espritz suffisans à emplir les ventricules du sens commun,
    de l’imagination & apprehension, de la ratiocination
    & resolution, de la memoire & recordation : & agilement
    courir de l’un à l’aultre, par les conduictz manifestes
    en anatomie sus la fin du retz admirable, on quel
    se terminent les artères : les quelles de la fenestre armoire
    du cœur prenoient leur origine, & les espritz vitaulx
    affinoient en longs ambages, pous estre faictz
    animaulx. De mode que en tel personnaige studieux,
    vous voirez suspendues toutes les facultez naturelles :
    cesser tous sens exterieurs : brief, vous le iugerez n’estre
    en soy vivent, estre hors soy abstrait par ecstase. &
    direz que Socrates n’abusoit du terme, quand il disoit
    Philosophie n’estre aultre chose que meditation de
    mort.

    Rabelais, Le Tiers Livre, Publie.net

  • 081011

    8 octobre 2011

    Paris, 24 juin 2011

    Je finis par trouver la Baleine de Paul Gadenne et c’est 38 pages, 7€. Je pourrais poursuivre, dans ma tête donc ici, le projet fictif de cartographie de la misère ambiante. Je retrouve H. quelque part dans l’Octobre ou bien lui me retrouve. Il y a d’abord ce type croisé tous les matins, même tunnel, même figure, qui me demande cinquante centimes, depuis peu un euro, tout augmente, mais que moi tous les matins j’ignore. Celui qui avec soin choisit le bon carton sous l’oeil des banques et du boulevard en fin de journée. Celui avec le vieux chien sage qui monte la garde. Ceux-là trois allongés devant les ascenseurs et derrière eux l’affiche pour le film Le monstre de Paris ; j’aimerais les prendre en photo (l’affiche le titre), envoyer la photo à Christine Jeanney pour une de ses listes mais les portes se ferment. Ces autres trois sous la tente, bleue la tente, derrière maison abandonnée, pêchent à la Seine, bien haute la Seine, feu sous la tente. Et pour rebondir sur le texte de François Bon ce matin ce bidon-ville tous les matins, à gauche après la page, derrière la vitre, jamais les soirs car du mauvais côté du train pour voir, entre le bras autoroute, le RER et le nouvel hosto de la ville de C. Celle sous terre à genoux devant les tapis roulants. Celle et son gosse, dans les wagons, à l’envers du sens de la marche, et des centimes en paume, et la paume vers la poche. Je perds, ou crois perdre, un billet de 20€. Je ne trouve chez Shakespeare & Co ni le Black Herald 2 ni le bouquin de Kathy Acker que j’aimerais y voir. Quant au Werner Kofler, que j’ai cherché ailleurs, il n’y est pas, n’est pas sorti et paraîtra plus tard. 7€, 38 pages, ça fait 18 centimes la page. J’achète, avec ce presque livre, quelques piles rechargeables.

    — Toi t’aimerais mieux leur foute une giclée dans les miches, hein salaud ?
    — Moi je vais viser le caveur (le cœur).
    — Moi entre les châsses. Sur l’os la balle va rebondir.
    On riait, c’était à qui serait le plus féroce. On se vautrait dans le meurtre, on avait les jambes, les cuisses et les mains pleines de sang.

    Jean Genet, Pompes funèbres, L’imaginaire, P.259.

  • 091211

    9 décembre 2011

    Iggy Pop en visite ces temps-ci, via Jean-Paul Goude, au fameux Lafayette monde.

    I’m a mix of God and monkey.

    Danger Mouse & Sparklehorse (feat. Iggy Pop) (ou l’inverse), Pain.

    Il fallait que je me trouve, pour moi-même, des objectifs, gratuits, pour 2012, que mon N+1 pourrait inscrire noir sur blanc sur une feuille, papier, censée contractualiser nos accords, informels, pour l’année à venir. STAT m’a confirmé vouloir me prolonger en CDI, ma bouche a dit super. Je n’ai encore rien signé, ce qui me laisse une porte de sortie, car mon corps de lui-même fuit tout CDI, et si je pouvais tout juste vivre de CDD tous les six mois renouvelables, je serais moins amer fondu. Une de mes collègues, migraine, me croisant là sur le couloir du retour vers mon cube, me demande si c’est bon, et derrière mon oui tête, me dit : c’est quand même un beau cadeau d’noël que la boite elle te fait. Plus tôt dans la journée, elle m’a aussi lâché : un livre, une fois que tu l’as lu, à quoi ça te sert ?

    Arrivé au nombril de Lucifer, Dante, accompagné de son maître, de bas en haut se renverse, et au lieu de descendre les jambes de Dite les escalade, car le monde vient juste tout entier de basculer. Tu savais qu’ils avaient fait une adaptation de L’enfer de Dante en beat them all ? Voyant tomber le boss de fin en haut de l’écran je cherche, en vain, les trois gueules qui mastiquent, théoriquement, les trois corps de Cassius, Brutus et Judas.

    Je répète X fois la phrase : je suis désolé monsieur mais je ne vois pas le rapport puis raccroche, me barre. Les lycéens d’I-voix défragmentent mes peurs primaires et j’ai besoin de plusieurs secondes pour comprendre que, non,ce passage là je ne l’ai pas écrit tel quel, mais que ouais ça rend fort. Je me trouve une idée de cadeau pour Noël, la communique à mon N+1 familial, qui prend note. Après Daniel Sada Werner Kofler, triste, y passe. Durant mon entretien préalable à mon licenci, non, ma mutation CDI, mon saut de puce, on m’indique que mon évaluation tiendra compte, également, de l’oeil de mes collaborateurs sur ma carcasse, via le logiciel SurveyMonkey©. Je me demande encore qui est le singe de qui.

    Gonçalves, en outre, était un minimaliste. Et il était en train de mourir. Un bout de lance poussait sur son épaule gauche. Les médecins lui avaient conseillé de le laisser là, en attendant de voir jusqu’où cela irait. Et c’était pour cette simple raison que Gonçalves supportait ce bout de lance depuis deux ans environ, trois peut-être, telle une personne qui porte un vêtement qui détonne.

    Rodrigo Fresán, L’homme du bord extérieur 3, « Pères de la patrie », Éditions Autrement, traduction Jean-Jaques et Marie-Neige Fleury, P.10

  • 171211

    17 décembre 2011

    J’avais dit à H. : on a rendez-vous à 15h, j’y serai à moins le quart, eux à l’a-demi (et c’est le cas). Je le répète indemne à V., pris dans l’Escalator qui nous arrache au ventre. N. est derrière qui feuillette une pub de lingerie. J’ai eu le temps, les attendant, de filer dans le cinquième, librairie Compagnie, n’y pas trouver Hôtel clair de crime de Werner Kofler, en choisir un autre à la place, les Leçons sur la langue française de Guyotat, me prendre sur la gueule de la flotte, revenir, me poster sur mon X, attendre encore un peu, avant de pouvoir leur en faire le récit exhaustif, par pur soucis de culpabilisation. On se pose au Molière. Y parle.

    « Le monde est bâti sur le modèle de la Chambre double. De même que tous les êtres vivants sont formés de deux feuilles, il est fait de deux couches qui sont entre elles dans le rapport de l’intérieur à l’extérieur, et dont l’une possède une réalité plus haute, l’autre une réalité moindre. Mais la réalité moindre est déterminée jusque dans ses plus petits détails par la plus haute.

    Je n’avais jamais mis les pieds à la BNF, pas plus que je n’avais ouvert, jusque-là, de Boris Vian devant mes yeux. Un fantôme de moi se rappelle d’une époque où il n’y avait pas, autour, tous ces bâtiments neufs de beaux quartiers d’affaire. Je passe un peu à l’ouest de l’expo elle-même (je mens, me rajeunis pour passer sous la barre du tarif réduction), prends en photo cette phrase, trouvée con. V. elle me dit : comment tu peux la trouver con cette phrase ? Mais moi : la vraie question c’est comment toi tu peux ne pas. On y rejoint C., avec qui j’ai traversé une partie de mon cursus scolaire, avant de la retrouver par hasard à la fac ; depuis la fac, justement, nous ne nous étions pas revus. En quittant la BNF, pas de Kofler non plus. Je mate la maquette dans le couloir, et les petits piétons fictifs collés dessus (car j’en suis un).

    Or, imaginez-vous ceci : vous vous tenez en nombreuse compagnie dans cette chambre ou dans cette salle. On joue, on discute, on tragique, bref, on fait ce qui est d’usage entre les humains. Pour les profanes, dans cette pièce, les choses et leurs conjonctions seront plus ou moins livrées au hasard. Aussi, aucun d’eux n’est en mesure de dire à coup sûr ce qu’amènera, ne fût-ce que la minute suivante. C’est ici le règne de l’imprévu, de la force aveugle.

    Par la 4 atterrissons à Alésia, puis chez F., une fille avec qui paraît-il nous aurions partagé une année de fac, avant que je m’en aille. Elle est aujourd’hui journaliste politique et moi je fais comme si je me souvenais d’elle (c’est-à-dire rien). Mais préviens : je reste pas. Rentre très tôt par le dernier direct. Je file à V. un sac qu’un de ces concours de circonstance m’a collé entre les mains la veille. Poreux je fais encore le robinet, me barre. Avant cela prononcé quelques mots, pas plus, quasi aucun réel, comme souvent.

    Et maintenant, poursuivez cette fantaisie : la salle est entourée d’une seconde enveloppe, aussi invisible qu’une atmosphère. Elle est presque sans extension, mais chargée de significations. Représentez-vous cette enveloppe comme une sorte de tapisserie qui cache dans ses dessins une écriture imaginée ou chiffrée, que l’on peut embrasser d’un coup d’oeil. Je vous ferai tomber les écailles des yeux, et, stupéfait, vous découvrirez que ces caractères sont la clé de toutes les scènes qui se jouent dans la salle. Vous étiez jusqu’à présent comme un homme qui suivait la course nocturne des astres, mais sans connaître l’astronomie. Vous voilà maintenant initié, et votre puissance est pareille à celle des vieux collèges de prêtres qui annonçaient les éclipses de soleil et de lune. Vous avez reçu l’ordination qui vous confère le principat de la magie. C’est dans ce monde qu’est dissimulé le mystère ; il n’y en a pas d’autre. Vous me serez à jamais reconnaissant. »

    Ernst Jünger, Héliopolis, Livre de poche, traduction Henri Plard, P. 144-145.

  • 231211

    23 décembre 2011

    Un type s’est jeté d’un pont, gare de V., en fait j’ignore si c’est un type, et j’ignore s’il est, déjà, encore, mort. Hier, retour taf pour mon dernier jour de l’année, retard X minutes en arrivant à C., j’ai poussé avec mon crâne le train, tiré par des chameaux, pour qu’il arrive en gare d’Y. avant que H. n’en parte. Je l’ai attrapé, cinq minutes avant départ, nœud pap, étreinte comme avant des absences de six mois, et non six jours.

    J’ai écrit quelques fragments d’Accident de personne sur les suicidés des hauteurs ; peut-être est-ce l’un d’eux ?

    on me dit que je vais tout rater si je saute : en bas les rails & courant haute tension, mais ça veut rien dire : je les entends bourdonner

    J’arrive Gare de Lyon sept minutes avant départ du train, n’ai pas la temps, à la borne, de retirer, papier, ma saleté de billet et monte dans la machine à l’instant pile où la machine des rails s’arrache. Quand je raconte mon problème au contrôleur, le contrôleur me dit : plus tard (mais ce plus tard, fictif, n’a pas de présent). Y a un mec à ma place numérotée : montrez-moi votre billet, il me dit. Mais j’ai pas mon billet. J’ai traversé toute cette foutue rame en sens inverse et je repars. J’demande à un type de première classe si, là, le siège voisin est libre, il me dit que non, je sais que c’est faux, il sait que je sais et je sais qu’il sait idem. Nos yeux s’échangent des doigts. Je retraverse la rame dans l’autre sens. Me suis posé dans l’escalier, précisément où, pendant combien de mois, j’ai collé le narrateur de Coup de tête, dans son aller vers les Deux Alpes. J’ai calé Soupir entre mes pompes. Un abruti m’a dit : on peut l’manger ce lapin ? Un autre abruti s’est planté devant la porte des chiottes pendant vingt-cinq minutes sans que jamais l’idée lui vienne d’aller tenter sa chance juste à l’étage du dessus. Je me suis quand même dit, barre blanche plantée travers les reins, Vian dans la main, musique de Moon, que c’était quand même magique, le train. Arrivé à Lyon j’ai trouvé un vrai siège où m’asseoir, j’y ai terminé Vian, Soupir s’est allongé dessous mes doigts et s’y résigne.

    Judy avait déjà retiré son sweat-shirt. Elle ne portait certainement pas grand-chose en dessous. Sa jupe glissa le long de ses jambes, et, en un rien de temps, elle fit voler en l’air ses chaussures et ses socquettes. Elle s’étala dans l’herbe, complètement nue. Je dus avoir l’air assez stupide, car elle me rit au nez d’une façon si railleuse que je faillis perdre contenance. Dick et Jicky, dans la même tenue, vinrent s’écrouler à côté d’elle. Comble du ridicule, c’est moi qui paraissais gêné. Je notai, cependant, la maigreur du garçon, dont les côtes saillaient sous la peau tannée par le soleil.

    Boris Vian, J’irai cracher sur vos tombes

    V. m’écrit (défilent des paysages aveugles et matés par les parois du train, tout contre suraigu l’angle des marches) : « Un jour je téléphonerai ». Dominique Fagnot me demande, via Twitter, si j’ai enfin trouvé le fameux Kofler et me recommande lecture d’un article passionnant intitulé « Fétichisme de la marchandise digitale et exploitation cachée : les cas Amazon et Apple ». Je lui réponds, dans l’ordre, que non, et que c’est bien pour ça qu’il faut impérativement, chacun, à notre foutu niveau, s’approprier le web. Mon attachement à Publie.net, comme au(lec)teur, vient, sans doute, aussi, de là. Ce soir, crevé par les jambes, les kilos de la valise, les vibrations des rails répercutées sur ma colonne, je me poserai devant l’écran, dirai à J., aussi vide et absent et muet que moi-même, que toujours de retour chez mes parents je ressens le besoin, l’envie de me poser ici et d’ouvrir MSN comme des années plus tôt. Je feins d’ignorer que mon adolescence a eu lieu un peu avant l’arrivée d’MSN. On se parlait, avant, sur des chans IRC.

    Écrire, vivre en foule, exister dans tous les siècles, dans tous les pays, refuser d’être une seule fois, refuser absolument d’être soi-même, refuser d’être épanoui comme un coquelicot, comme un oiseau, comme un homme heureux.

    Régis Jauffret, Vivre encore, encore, Publie.net

    Demain je me verrai dans le grand miroir et ne pèserai pas plus, pas moins, que ce que mon corps pesait, quand il était mon double, et qu’il avait seize ans, dix-sept, avant-hier soir, je crois, à peine.

  • 010212

    1er février 2012

    Aurez-vous vraiment le culot d’affirmer que vous ne connaissez pas mon assassin de masse préféré, le premier, le tout premier artiste national-socialiste de l’exagération, oui, le premier SS artiste de l’exagération, le plus doué des exterminateurs de masse qu’aient jamais donnés la Carinthie et le littoral adriatique, notre Globus ! Vous auriez l’audace de n’avoir jamais entendu parler de lui ?!

    Werner Kofler, Caf’conc’ Treblinka, Absalon, traduction Bernard Banoun, P.24

    Crois-moi j’en ai les doigts caillés. A cause du froid les téléphones sont pas livrés. Appelez SFR m’a dit le type, indésirable, du point relais colis, et je le fais, un certain J. du service client nuit m’informe que tout va rentrer dans l’ordre, et par tout j’aimerais comprendre tout ; je crois à son hypnose.

    J’apprends via cet article, intitulé « Les homosexuels n’ont toujours pas le droit de donner leur sang », que 26 000 à 150 000 poches de sang correspondent à cinq jours de stock.

    L’idée n’est rien qu’une envie, sans doute issue et carrément digérée de ma lecture d’Antoine Bréa sur son Enfer, mais j’ai, sur caille les quais, l’idée, envie, de me lancer dans une folie, écrire, traduire, chaque jour, les unes après les autres, les phrases d’Ulysse. « Une phrase d’Ulysse par jour (ou presque) » (titre). Le tout, en m’octroyant toute liberté de trahison et de cafard rythmique. Si c’était vrai, la première phrase elle donnerait ça :

    Il est seigneur le dodu Buck
    Buck Mullingan
    ici depuis l’en haut des marches
    dans ses deux mains bol de sa mousse
    dessus lequel
    mir & ras-oir
    posés font croix.

    Rentrant, H. m’apprend que les lapins ont mangé la télé, la PS3, la Wii et mes deux trains de retour. Je me demande si, karmiquement si, cette belle idée Ulysse vaut bien sacrifice de quelques biens matériels périssables. Le détecteur d’humidité indique (faich’) 48.

  • 290212

    29 février 2012

    sur la cuisse
    gauche la
    seringue prête et
    sur la droite le
    téléphone
    portable
     
    Philippe Rahmy, SMS de la cloison, Publie.net

    On existe, puisque c’est bissextile. Idem hier. Idem la veille d’hier. J’ai pas eu le temps reprendre aux doigts le clavier blanc pour rendre compte.

    A Brest ce lundi pour rencontrer, enfin, les élèves du Lycée de l’Iroise qui travaillent depuis quelques mois maintenant sur mon (sic) Livre des peurs primaires. Avant d’y monter arpenté Brest, halte aux Opticiens mutualistes pour faire fixer (un bis de peur primaire 228) la vis de l’oeil avant l’heure H. Tout le matin durant pétoches. Avec H. passons vite chez Dialogues. Vu Le marasme chaussé de Ivar Ch’Vavar, pas acheté (mais regrets). Aucune trace de Werner Kofler ici non plus. Idem Blanche étincelle de Lucien Suel.

    La rencontre c’est pas moi qui rend compte mais c’est eux, via Twitter, hashtag #vissac. Suis arrivé 13h37. Un quart d’heure après c’en était 16.

    #vissac Rencontre imminente...
    13:34
     
    #vissac Arrivée de @gvissac !
    13:39
     
    #vissac "Impressionné par votre travail."
    13:42
     
    #vissac Lecture de fragments du Livre des peurs primaires
    13:44
     
    #vissac "Avant l’envie d’écrire, une envie de lire."
    13:50
     
    #vissac A l’iroise, @gvissac lit des extraits du Livre des peurs primaires aux lycéens d@ivoix... pic.twitter.com/T25cKP60
    13:51
     
    #vissac "On vit dans une société violente, entourée d’écrans."
    13:52
     
    13:53
     
    #vissac "Consigner ses angoisses quelque part."
    13:54
     
    A Brest, @gvissac répond aux questions des lycéens d’@ivoix http://pic.twitter.com/xG48rvXc
    13:54
     
    #vissac "Nouvelles technologies : elles sont citées car très présentes dans notre quotidien."
    13:56
     
    #vissac "La douleur caractérise en partie l’homme."
    13:58
     
    #vissac "Sensations décrites = réelles à un moment donné. Elles sont entourées de fiction, dans un univers fantastique."
    14:00
     
    #vissac "Écrire, c’est un exorcisme."
    14:02
     
    #vissac "Livre numérique ou pas, pas vraiment d’importance"
    14:03
     
    #vissac "Tout ce que je lis ne m’influence pas de la même façon. Dans l’inspiration, la lecture a la place la plus importante."
    14:06
     
    #vissac "Chacun a sa conception de la poésie."
    14:07
     
    #vissac "Je n’ai pas écrit le Livre des peurs primaires en me disant que c’était de la poésie. Je m’intéresse davantage aux nouveautés."
    14:08
     
    #vissac "Mes études en lettres modernes ont eu pour but de me forger une culture littéraire, pas d’apprendre à écrire."
    14:10
     
    En direct sur Twitter la rencontre reelle entre les lycéens blogueurs @ivoix et l’auteur numerique @gvissac #vissac http://pic.twitter.com/g1qjfuxJ
    14:12
     
    #vissac "Le Livre des peurs primaires : pour moi, pas un livre mais un truc."
    14:13
     
    #vissac "Mes fragments reflètent mes angoisses paranoïaques."
    14:17
     
    #vissac "Les accidents de personnes empêchent les gens d’arriver à l’heure au boulot (de leur point de vue)." La mort en direct sur Twitter.
    14:20
     
    #vissac "L’intérêt du texte : il ne finit jamais."
    14:23
     
    #vissac "Les peurs primaires : écrire au quotidien la vie réelle."
    14:25
     
    #vissac "Le Livre des peurs primaires, journal de ce que je n’ai jamais vécu."
    14:26
     
    #vissac "J’aime bien écrire comme je parle. J’ai pu le faire car le Livre des peurs primaires n’est pas un livre."
    14:27
     
    #vissac "Il y a 2 ordres : de 1 à 230, ordre d’écriture, et aussi dans l’ordre indiqué par les liens, qui crée un fil conducteur."
    14:30
     
    #vissac "J’aime beaucoup l’anglais."
    14:31
     
    #vissac "Twitter : moyen intéressant de repenser son laboratoire. L’intérêt de Twitter : nous sommes tous lecteur-auteur par l’interaction."
    14:35
     
    #vissac "Twitter : génial en terme de relations humaines, on peut se tutoyer."
    14:36
     
    #vissac "Le processus numérique est bien plus simple."
    14:44
     
    #vissac Pourquoi 2 saisons ? = Premier jet de 100 fragments (saison 1), deuxième de 130 (saison 2). Rupture entre les 2 saisons.
    14:45
     
    #vissac "Période de transition entre le papier et le numérique."
    14:48
     
    #vissac "L’avantage du papier sur le numérique, c’est la sacralisation de l’auteur papier, beaucoup plus respecté que l’auteur numérique."
    14:51
     
    #vissac "Pour une question d’ego, j’aimerais être publié au format papier."
    14:52
     
    #vissac "J’ai toujours aimé prendre le train. Il est très présent dans le Livre des peurs primaires car très présent dans mon quotidien."
    14:54
     
    #vissac "Fragment 0 du Livre des peurs primaires : plonger le lecteur dans l’inconnu."
    14:55
     
    #vissac "L’élève distrait que j’ai été propose au lecteur de lire dans l’ordre qui lui plaît."
    14:56
     
    #vissac "Ce que j’aime lire et écrire, c’est un texte dans lequel il faut se faufiler, un texte bordélique."
    14:59
     
    #vissac "Certains fragments expriment la crainte légitime que le texte ne soit jamais accepté, qu’il tombe dans l’oubli."
    15:01
     
    #vissac "Fragment 75 : Peur de ne plus avoir peur, de ne plus être atteint de paranoïa."
    15:02
     
    #vissac "Écrire pour exister."
    15:03
     
    #vissac "Peur de l’ordinaire, du banal."
    15:04
     
    #vissac "Écriture du recueil : de début 2009 à début 2011."
    15:06
     
    #vissac "Je me focalise sur moi, les autres sont des ombres alentour."
    15:08
     
    #vissac "Avoir un travail qui laisse du temps pour écrire."
    15:09
     
    #vissac "Phrases saccadées dues à la prise de notes. Je suis adepte de la correction par diminution du texte."
    15:11
     
    #vissac "En écrivant, je n’ai pas vraiment pensé au lecteur."
    15:12
     
    #vissac "J’aime les défis."
    15:13
     
    #vissac "Lorsque j’ai écrit mon texte, c’est au lecteur de le faire vivre ensuite."
    15:14
     
    #vissac "Il m’est arrivé de rêver ce que j’écris. En ce moment, je twitte mes rêves en 140 caractères."
    15:16
     
    #vissac "Ma peur primaire, c’est d’être inconsistant, inexistant."
    15:17
     
    #vissac Fin de l’interrogatoire. Et maintenant... les dédicaces.
    15:18
     
    Séance de dédicace :@gvissac @ivoix #vissac http://pic.twitter.com/Ncq4UYal
    15:22
     
    #vissac "J’aurais aimé participer au projet i-voix." => Merci @gvissac !
    16:13
     
    Scoop @ivoix : @gvissac écrit aussi a la main ! #vissac http://pic.twitter.com/S9LcSSs7
    18:57

    Après l’échange je signe, via stylos bleus, verts, roses, et des fois noirs du papier. Aurais pu, tout aussi bien, dédicacer sur téléphones de poche, au cutter sur l’écran, des charabias indélébiles. Juste avant retrouver H., plus tard, place de la Liberté, je remonte, au pouce, le fil twitter #vissac pour vérifier, peu sûr, que j’ai pas dit de conneries, ou pas trop.

    Hier mardi, Morlaix, le collège du Château. Le public est différent, classe de troisième, c’est une heure. Plus difficile de leur extirper quelques mots mais j’écoute intrigué leurs propres travaux d’écriture autour des Peurs, les miennes. A cause ou grâce à moi on parle gore de onze à douze. L’un deux demande : « vous vous êtes déjà demandé si vous étiez pas fou ? ». J’embraye, par hasard grave, sur les SMS de la cloison de Philippe Rahmy, relus le matin même, et le silence sur les visages quand je leur dis ben ouais un SMS ça peut être poésie. L’une des élèves dans le blanc de sa marge me croque au bic pendant que je sors mes trucs.

    A Carantec l’aprem
    j’prends des photos
    d’la mer comme
    celle-ci là.
     

    Dans le sable compter : six donjons, une douve, un message en grandes lettres bâtons, quatre pattes et deux paires de pompes nôtres, un crabe (mort), un babet (vivant), un bâton à jeter pour Nesko qui rapporte, quelques autres grains de vie et des algues en extase. Le soleil se pointe. Demain repartir, c’est-à-dire aujourd’hui 29, puisque nous existons, puisque c’est bissextile.

  • 030312

    3 mars 2012

    31

    Emmenons mes parents où Paris se détruit (un tour) avant (Fresco presto) de boire quelques mozzarellas crémeuses (et burrata). Sur les quais de Seine le tome deux de la correspondance d’Ulysse, pardon, de Joyce. Puis Le marasme chaussé (finalement), Hôtel clair de crime (enfin), Beaucoup de jours (sur Joyce). Dans Notre-Dame un X nous lâche qu’il est déçu et une bonne soeur (la paume) à la fin sort la manche.

  • 060512

    6 mai 2012

    Jamais je n’ai vaqué à une occupation en position assise. C’est sûrement l’autre, pas moi, l’autre qui se tient caché dans ma tête, le guetteur du pigeonnier qui, en me créant, veut du même coup m’anéantir, l’œuvre d’art est le masque mortuaire du délit, l’ai-je entendu marmonner puis éclater de rire, il est obsédé par l’idée que quelqu’un traverse le deuxième mouvement du quatuor de Schubert, quelqu’un, peut-être la mort, qui passe dans l’andante, qui sifflote, et - tenez, de nouveau une voix, est-ce lui, demande la voix, et on entend des pas dans la rue, non, pas ici dans la rue, dans la rue qui est dans la tête, quelqu’un sifflote une mélodie de l’andante et une voix demande continuellement : Est-ce lui ?

    Werner Kofler, Hôtel clair de crime, Absalon, traduction Bernard Banoun, P.40

    La troisième et dernière et quasi incompréhensible partie d’Hôtel clair de crime (qui ne correspond pas au passage recopié ci-contre) campe un écrivain, qui est peut-être le narrateur, observé depuis une fenêtresurcour par un détective, qui est sûrement la narrateur, de sorte que chacun s’observe quasi schizophréniquement. Bien sûr, je me suis souvenu de ce récit de Paul Auster, Ghosts (Revenants), le deuxième texte de la Trilogie New-Yorkaise, dans lequel un détective poursuit une ombre issue sans doute de lui. Je n’ai pas eu de mal à trouver, pirate, une copie Epub de ce texte. La Trilogie New-Yorkaise, c’est le premier livre d’Auster que j’ai lu, assis par terre, à seize ans, pioché dans la bibliothèque familiale. À dix-sept, le premier lu en anglais. Alors je m’en souviens. Pour le reste, bien sûr que j’ai voté, oui mais voté la tête ailleurs, alors être incapable d’aucune certitude quant à la gueule du fatidique bulletin plié dans l’enveloppe.


  • ↑ 1 

    Quand j’écris, je travaille par séries : j’ai plusieurs chemises où je glisse les pages qu’il m’arrive d’écrire, selon les idées qui me passent par la tête, ou même de simples notes pour des choses que je voudrais écrire. J’ai une chemise pour les objets, une chemise pour les animaux, une pour les hommes, une pour les personnages historiques et une autre encore pour les héros de la mythologie ; j’ai une chemise sur les quatre saisons et une sur les cinq sens ; dans une autre, je rassemble des pages sur les villes et les paysages de ma vie et dans une autre encore celles sur des villes imaginaires, hors de l’espace et du temps. Quand une chemise commence à se remplir, je me mets à penser au livre que je peux en tirer. 

    Italo Calvino, Les villes invisibles, Préface, Points Seuil, traduit par Martine Van Geertruyden, P.1-2.

    ↑ 2 Chiens féraux, publié il y a plusieurs mois en numérique chez LC Editions, a été repris en version papier par les éditions Anne Carrière.

    ↑ 3 Que je termine trois jours plus tôt, heureux d’avoir connu, outre la première moitié fictive de Vies de saints, le premier livre plein de défauts mais si jeune d’un auteur qu’on a, bien des années plus tard, adoré dès Mantra.