Jacques Ancet



  • 210416

    21 mai 2016

    Bloqué dans un gigantesque grand magasin en forme de pagode. Il y a des issues de secours et des escalators mais rien qui mène nulle part. Je cherche un lien vers l’extérieur. Quelque part on nous dit de quelqu’un qu’il ou elle prend pour sa santé mentale des proleptiques et des analeptiques et je réfléchis au sens des mots qui gisent cachés sous ces médicaments. Rendez-vous annuel au cabinet neurologique 1. Donc reprendre des médocs. Un nouveau truc pour les zones de dix jours qui s’agrègent : la douleur va par zone de dix jours à peu près. Même chose des périodes intenses dont je sais à l’avance qu’elles risquent d’être dures, sensibles. Traitement de fond à pas prendre tout le temps. Ça me va. Laroxyl ça s’appelle 2. Léger, sortir de ça. Comme si c’était une perspective de bonheur que ces trucs (ça peut l’être). Comprends ce que ça veut dire quand on dit d’un médecin qu’il ne soigne pas que (voire pas du tout) une maladie mais le rapport que quelqu’un entretien avec sa maladie. Je ne sais pas si c’est une maladie. Mais ça conditionne beaucoup de choses. Par exemple l’irritabilité. Genre beaucoup. Ce matin ce machin qui s’intitule Une nouvelle recherche révèle que se plaindre vous rend littéralement malade et vous tue à petit feu. Et écouter ceux qui se plaignent équivaut à se plaindre soi-même. Alors, tant qu’à faire, autant se plaindre soi. Emporter tout le monde avec nous. Ailleurs une pub pour un jeu free to play : Ceux qui jouent à ce jeu ont oublié la réalité. Je dépose La Tendresse. Je lis du Boutonnier. Prince est mort 3. Il existe une Fantômas SARL. Brenda dit I’m sick of being so fucking conscious all the time. It’s like I’m this incredibly boring, watered-down version of myself. J’ai le temps de poser devant moi une image de ce qu’un texte pourrait ou devrait être. Je prends ce temps toujours. J’avance dans cet article Rue89. J’en chie mais je suis, oui, content de ça.

  • 270516

    27 juin 2016

    Journée pleine de belles attentions à mon égard. Un mot manuscrit d’H. collé sur mon ordinateur. Puis le vélo, t-shirt, soleil, après avoir regonflé ça vite fait. Vrai plaisir d’aller où la terre roule. Verre avec Marina Damestoy à Nation, qui est quelqu’un de lumineux. Pendant que les trucs chargent, je lis des bribes de L’incessant. J’ai gardé aux pieds mes pompes comme s’il fallait partir d’urgence quelque part (mais où ça ?). Sur Twitter, on relaye des violences policières. Les mots d’oral vont à l’écrit : conversation de comptoir où untel justifie qu’unetelle se soit fait violemment repousser par un flic en armure, untel explicitant qu’un autre flic encafardé (23kg de kevlar) s’en prenne à un autre torse nu au bitume (et il y a encore beaucoup de sirènes de police dans les rues, beaucoup). L’incessant :

    un blanc, une pose, une bouffée de fumée grise encore, pendant qu’au-dessus elle lui parle de sa voix la plus douce, dialogue de cigales, silences remplis de notes, et lui, de sa petite voix, en contrepoint, questionnant sans qu’on puisse comprendre les mots, une rumeur, un filet d’eau coulant, noyé un instant dans le bruit des moteurs, donner sur un parking c’est pas le rêve, et la voilà qui chante sans qu’on puisse reconnaître la chanson, les yeux quittent la page, regardent le plafond, la table, dégradation générale, et c’est bien vrai, une fine cendre, trop fine pour être vue, mais on la sent pleuvoir doucement, comme dans ces films au ralenti où gicle la poussière en gerbes lentes sous les pieds ou l’eau d’un rivage longé en courant sur le sable humide et dur, des voix montent d’en bas, l’immeuble est un tambour, une guitare fêlée, une caisse de béton trouée d’yeux morts, de fenêtres aveugles, moloch tapi sur le bord de la nuit, guettant le coït des vents, la voix de l’espace entr’ouvert qui parfois parle lorsqu’on l’écoute entre deux eaux, deux temps perdus, gagnés, blanc, silence, accroc dans le tissu

  • 010616

    2 juillet 2016

    Certains ne tiennent pas le coup. Leurs jambes cèdent : ils posent un genou à terre : le genou est aussitôt immobilisé ; ils posent alors une main pour ne pas s’écraser tout de suite contre le sol : et la main y passe aussi, puis l’autre main, l’autre genou, finalement ils s’allongent complètement sur le blanc, et ils fusionnent avec la couleur.

    Quentin Leclerc, Saccage, Éditions de l’Ogre, P. 137

    De l’eau jusque dans mes rêves. L’eau un moyen de locomotion pour aller quelque part. Je sais plus où on va ni avec qui mais l’eau est ocre et rose, quelque chose dans des tons finissants. Des branches se mirent dedans. Ce matin, autre chose. Pas réveillé par l’écoulement de la pluie sur le monde 4 pour une fois. Pleut pas mais froid. Blanc. Tout est humide, partout, à commencer par tout. Les draps, le corps, les vêtements, le bois, les stores, les emballages carton, le pain, la peau, le papier quand il y a du papier. L’Instin collé derrière mon tel déteint. Le rouge effacé fuit. J’ai l’impression revivre la scène de Sarasota dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind : une plaque en plexiglas entre moi et le reste du monde. Je suis enfoui dans les chiffres tout le reste du jour. Finalement je m’y sens à ma place — mais à ma place ça ne veut pas dire bien. Je suis tombé au fond tout au fond de ma tête. Quelques pas dehors avec H.. Je suis sonné par à peu près n’importe quoi. Je parle par bribes ou par monosyllabes mais mine de rien ces quelques pas dehors me font du bien. Nous sommes bombardés de mails mais de bons mails. Je mute le son quand même. Termine ma dernière lecture de Saccage 5. Il y a dans ce livre un élan que je n’avais pas vu avant. Quand est-il apparu ? J’ai l’impression qu’il y a un truc qui rate, la construction du terrain. Là, j’ai l’impression qu’il y a encore la langue d’un côté et le terrain de l’autre. Le décor. Le contexte. Peut-être que je me trompe. Peut-être que Quentin s’en fout. Je préfère la fin au début 6. Peut-être parce que je suis moi-même en meilleure condition humaine à le lire ? Mais c’est faux. Au bord de la nuit, je suis incapable de savoir si mes yeux sont ouverts ou fermé.

  • 030616

    3 juillet 2016

    Nous remplirons cette maison de livres et de jouets et nous sangloterons comme si on nous avait oubliés à la garderie.

    Comme je refusais d’avoir une femme en moins et des corvées en plus, j’ai accepté qu’on m’aide. Mon frère a été formidable, fais-moi à manger, laisse-moi crier, avec les garçons, avec la banque, avec la poste, l’école, les médecins et la famille. Ses parents ont été adorables pour la cérémonie, l’argent et leur famille, laissez-moi respirer, donnez-moi du temps, donnez-moi l’impression qu’elle est là, laissez-moi m’excuser, laissez-moi trouver une autre voie que la rage pure. Ses amis, nos familles, avec les nouvelles et les détails, et ses affaires, faire ça bien, qu’elle soit fière, dégager un chemin et le tailler à notre mesure, sans un cliché à l’horizon.

    Max Porter, La Douleur porte un costume de plumes, Seuil, traduction Charles Recoursé

    H. me dit que la Seine est très haute à l’endroit de la Seine où je disais tout le temps, quand nous vivions à Y., que la Seine était haute. Il doit en rester des traces dans le journal. Des traces mentales du moins. Ils visent 6m60 ce soir je sais pas où, ou alors non : à partir de 6m60 il se passe quelque chose. Repris le rythme du Navigo pour aller sous la terre. Je dis à l’attention de quelqu’un qui n’est plus là c’est que de la poussière, hein, c’est pas bactériologique. Plus loin j’ai du mal à articuler le mot paléolithique. Conf call blanche. Les belles affiches sont prêtes pour le marché de la poésie. Celle sur le cycle Ancet vaut son pesant d’œil. Deux personnes, elles discutent : ils s’embrassent ou ils se tuent ? On ne voit pas clairement de qui ou quoi elles parlent. Ce sont deux merles qui se mettent dessus. Elles veulent les séparer. Au retour il n’y a pas de cadavre, c’est donc que tout va bien (ou bien qu’ils sont allés ailleurs pour se finir).

  • 100616

    10 juillet 2016

    Marché de la poésie, troisième jour. Mal aux talons (re). Avant partir des mails. L’article sur la poésie numérique est en ligne. Du monde puis rien. Laurent est là, Sabine. Quelqu’un cherche Corti. Jacques Ancet. François, Julien. Puis Quentin, et avec lui l’Ogre. Dans la boîte de bonbons ne reste plus que ce que personne veut. Goût de fraise tagada bleue. Dégueulasse. Dans un restaurant italien a côté. Santa Lucia. Du foot sonore. Quelqu’un dit le politique n’existe plus que comme rempart à la catastrophe. Julien parle bien de son projet de langue. Son travail d’écriture. Gnocchis à la piémontaise. Un mec avec un drapeau bleu blanc rouge sur la joue. Quelqu’un dit Érotisme morbide. Grondement, 1-0. Est-ce que je crois en quelque chose. 1-1, penalty. Un chien aboit noir vers quelqu’un qui le singe. Gary Lineker me dit but de Payet et 2-1.

  • ❆ Lectures 16

    3 septembre 2016

    janvier

     Svetlana Alexievich, La supplication, JC Lattes ⇄ journal du 151215, 181215, 211215 & 030116.
     Wu Ming 4, L’étoile du matin, Métailié ⇄ listing adolescent.
     Samuel Beckett, Stirrings still, OR Books
     Philippe Rahmy, Allegra, La Table Ronde ⇄ journal du 180116 & 300116.

    février

     Clarice Lispector, Un apprentissage ou Le livre des plaisirs, Éditions des femmes ⇄ journal du 310116 & 050216
     Michael Seidinger, The Strangest, OR Books ⇄ journal du 010216.
     Vincent Message, Défaite des maîtres et possesseurs, Seuil ⇄ journal du 080216, 110216, 140216 & listing adolescent.
     Michal Michalik, A Cold Grave, Le vaste web ⇄ journal du 120216.
     Collectif, Watchlist, OR Books ⇄ journal du 140216.
     Lucien Suel, Dérives dans l’espace temps, QazaQ ⇄ journal du 190216 & listing adolescent.
     Ludovic Degroote, josé tomás, Éditions Unes ⇄ journal du 200216.
     Goran Petrović, Atlas des reflets célestes, Éditions Noir sur Blanc ⇄ journal du 210216 & 250216

    mars

     Pierre Senges, Achab (Séquelles), Verticales ⇄ journal du 260216, 040316, 070316, 250316 & listing adolescent
     Pierre Bergounioux, Carnet de notes. Journal 1980-1990, Verdier ⇄ listing adolescent
     Valerio Evangelisti, Les Chaînes d’Eymerich, La Volte
     Georges Cheimonas, roman, Noël Blandin ⇄ journal du 070316
     Pier Paolo Pasolini, La persécution, Seuil ⇄ journal du 090316 & du 120316
     Luvan, Walvis Blues, maelstrÖm reEvolution ⇄ journal du 130316
     Pierre Souvestre et Marcel Allain, Le mort qui tue ⇄ journal du 130316, 190316 & 270316
     Antoine Dole, Laisse brûler, Sarbacane ⇄ journal du 280316
     Ezia Polaris

    avril

     Éric Hazan, Une histoire de la Révolution française, La Fabrique
     Frank Herbert, Dune, Chilton Books ⇄ journal du 280416
     Marie Redonnet, L’accord de paix, Grasset ⇄ journal du 030416
     Marc Perrin, Spinoza in China, Le Dernier Télégramme ⇄ journal du 090416, 170416
     Pierre Bergounioux, Carnet de notes. Journal 1980-1990, Verdier ⇄ journal du 070416 & du 090416
     Elizabeth Legros Chapuis, Dans la forêt des livres
     Ivan Tourguéniev, Le Bureau particulier du domaine, La Pléiade ⇄ journal du 120416 & du 170416

    mai

     Frank Herbert, Dune, Chilton Books ⇄ journal du 060516, 280516
     Marc Perrin, Spinoza in China, Le Dernier Télégramme ⇄ journal du 030516, 080516 & 090516
     Pierre Bergounioux, Carnet de notes. Journal 1980-1990, Verdier ⇄ journal du 200516
     Elizabeth Legros Chapuis, Dans la forêt des livres ⇄ journal du 220516
     Anthony Poiraudeau, Projet El Porcero, Inculte ⇄ journal du 220516
     Arnaud Maïsetti, Quand la nuit vient ⇄ journal du 200516 & 250516
     Quentin Leclerc,Saccage, Éditions de l’Ogre ⇄ journal du 250516, 290516 & 010616
     Berit Ellinsgen, Not Dark Yet, Two Dollar Radio
     Philippe Aigrain & Christine Jeanney, Versées ⇄ journal du 290516
     Jacques Ancet, L’incessant, publie.net ⇄ journal du 270516 & 010616

    juin

    juin16-2

     Frank Herbert, Dune, Chilton Books ⇄ journal du 060516, 280516
     Max Porter, La douleur porte un costume de plumes, traduction Charles Recoursé, Seuil ⇄ journal du 030616 & 040616
     Jérôme Orsoni, Pedro Mayr, Actes Sud ⇄ journal du 130616
     Ocean Vuong, Night Skies with Exit Wounds, Copper Canyon Press
     Virginie Poitrasson, Tendre les liens, publie.net ⇄ journal du 180616
     Pierre Escot, Le Carnet Lambert, art & fiction
     Général Instin, Anthologie, Nouvel Attila ⇄ journal du 190616
     Laia Jufresa, Umami, Buchet Chastel ⇄ journal du 200616 & 020716
     Pierre Bergounioux, Carnet de notes. Journal 1980-1990, Verdier
     Sébastien Ménard, Temps zéro, diafragm.net ⇄ journal du 240616
     Philippe de Jonckheere, Février, désordre.net ⇄ journal du 250616 & 260616
     Philippe de Jonckheere, L’immuable en question, désordre.net ⇄ journal du 270616
     Gloria Ackerman, Traverser Tchernobyl, Premier Parallèle ⇄ Notes sur T. & listing adolescent

    juillet

     Pierre Bergounioux, Carnet de notes. Journal 1980-1990, Verdier
     Gloria Ackerman, Traverser Tchernobyl, Premier Parallèle ⇄ Notes sur T. & journal du 090716
     Philippe de Jonckheere, Février, désordre.net
     Thomas Bernhard, Le naufragé, Folio ⇄ journal du 030716, 040716, 060716 & 090716
     Claude Simon, Le tramway, Minuit ⇄ journal du 140716
     Ivan Tourguéniev, Le Journal d’un homme de trop, La Pléiade ⇄ journal du 160716 & listing adolescent
     Mariam Petrosyan, La maison dans laquelle, Monsieur Toussaint Louverture ⇄ listing adolescent
     Timothée de Fombelle, Vango, Gallimard Jeunesse ⇄ listing adolescent
     Henri Simon Faure, Je me brûle l’œil au fond d’un puits, Du Lérot ⇄ journal du 160716, 220716 & 260716
     Edgar Lee Masters, Spook River, Nouvel Attila ⇄ listing adolescent
     Corinne Lovera Vitali, Nitti, Gallimard ⇄ journal du 240716 & 260716

    août

     Edgar Lee Masters, Spook River, Nouvel Attila ⇄ listing adolescent
     Stephen King & Peter Straub, Talisman
     Martin Page, Je suis un dragon, Robert Laffont ⇄ listing adolescent
     Živko Čingo, La grande eau, Nouvel Attila ⇄ journal du 100816 & listing adolescent
     H.G. Wells, The invisible man ⇄ journal du 130816
     Cyprien Luraghi, Coup de rouge
     Eric Chauvier, Contre Télérama, Allia ⇄ listing adolescent
     Baptiste Morizot, Les diplomates, Wildproject ⇄ journal du 080816, 100816, 150816, 210816 & 270816
     Julio José Ordovás, L’Anticorps, L’olivier ⇄ journal du 220816
     La Bhagavad Gîtâ
     Ezia Polaris
     Goethe, Faust, GF Flammarion ⇄ journal du 210816, 270816 & 280816
     Markiyan Kamysh, La zone, Arthaud ⇄ journal du 310816
     Emile Souvestre & Marcel Allain, Fantômas : L’agent secret ⇄ journal du 020916

  • 191216

    20 janvier 2017

    Et L. me dit qu’il neige. Mais je ne suis pas encore parti, c’est ce soir. Derniers détails avant mon train, c’est-à-dire surtout des livres à expédier et des mails à écrire. Première fois que Poulpir prend le train et on ne peut pas prévenir un animal que tout va bien se passer, pas vrai ? Il faudrait pouvoir leur parler comme à des heptapodes. Dans le 5 que je relis, un Poulpe est essentiel à l’intrigue. Relu un peu plus tôt début du Dénouement, qui est un livre mais magnifique. Je me souviens première lecture debout dans l’allée des Tuileries à attendre que le musée il ouvre. Fil d’attente. Hiver. Tout ça c’était déjà il y a un an. J’ai perdu le présent. Le passé me repousse. Le futur n’existe pas. Où suis-je ? Ils ont le wifi dans le train, c’est nouveau. Marche pas. Incident technique. Pour quel rapport au monde de toute façon ? Alep. Un assassinat russe en Turquie. Autre attentat à Berlin. Christine Lagarde coupable de négligence mais pas coupable tout court. Qu’est ce que tu veux que je te dise ? Ce monde est pire. I thought that I was dreaming when you loved me. Poulpir sage dans sa boîte, sur mes genoux. Me regarde pelotonnée au fond avec son gros œil noir. Trahison lapine. Rien écrit.

  • 201216

    21 janvier 2017

    Les pies croassent. Jacassent ? Cancanent. Enfin elles font ça tôt. Neige fondue. Dans l’attente d’une pelleteuse qui creusera. Vrombissement sourd de la machine et continu avec ça, vibrations douces, pendant que le haut de la pelle passe régulièrement dans le coin de la vitre. Musique muette, grave, qui monte, irradie 7. Puis les bruits électroniques d’une sonde ou d’un détecteur de métal ou de choses enfouies. Je relis blanc sur noir le long de ça. Croisé le père de R. sortant son chien, j’ai oublié le nom qu’il lui a donné, m’approche l’œil noir avec des babines molles l’air de sentir quelque chose sur moi, ce serait quoi, le passé ? Pas pensé à lui demander des nouvelles d’R. à qui j’ai dû parler il y a une quinzaine d’années pour la dernière fois lui disant, y a ton chien qui s’est barré là-haut, un autre chien, et ensuite à F. qui était là, j’ai oublié pourquoi, ça fait des années qu’on s’est plus adressé la parole mais je me trompe, je l’ai revu une fois quelques années plus tard, j’avais marché le long d’une route quelques mètres avec lui, et il avait dû me dire tu fais quoi, j’étais étudiant alors et lui quoi ? je ne sais plus, tout s’est passé sur cette même route entre deux lampadaires. Stendhal : il s’agirait de dire : Je t’aime de l’amitié la plus dévouée, etc. etc., mais mon âme n’est pas susceptible d’amour. L. et N. chez N., la nuit est tombée, il n’y a presque pas de décorations en ville, ou alors je les vois pas, et alors dans les magasins, mais en fait je ne rentre que dans un. L. : je suis allé à t’sais où. Ou alors encore arrête tes quinarelles ou t’as la quine. J’aurais dû tout enregistrer de ce qu’elle disait alors et dans le tram du retour, 23h38, ils ont foutu des caméras qui ne sont pas de surveillance mais de protection. La machine me crache un ticket usagé piégé dans le mécanisme, comme dans une scène de CdT, à moins qu’il s’agisse d’une scène que j’ai fait sauter ensuite, plus très sûr. Mais ça ne va pas plus loin. Rien écrit, non.

  • 110419

    12 mai 2019

    Il paraît qu’il ne faut pas couper sa salade avant de la manger (ça ne se fait pas). Mais moi, à chaque fois que j’utilise l’essoreuse à salade (qui fait peur à Poulpir, mais c’est un autre sujet), je pense à ma grand-mère qui utilisait un genre de truc manuel et métallique pour l’essorer, de préférence devant la maison, dehors, en Haute-Loire. Et si je retourne une deuxième fois chez l’opthalmo en moins d’une semaine c’est à cause d’un antécédent de glaucome dans ma famille, précisément chez ma grand-mère, encore que ce soit cette fois mon autre grand-mère (c’est une histoire de grand-mères aujourd’hui). Le médecin est moins loufoque que vendredi dernier, encore qu’elle me prescrive un autre collyre qui rend les yeux rouges à la place de celui qui rend les yeux aoutch (elle le savait que ça faisait mal et elle a tenté le coup quand même, ah ah, qu’est-ce qu’on rigole en ophtalmologie). Là, elle aurait préféré que je sois informaticien pour réparer son scanner, et d’ailleurs c’est où la touche fab ? Je crois que ça se dit tab. Bref, pour elle tout va bien, alors même qu’elle m’explique qu’il y a un truc dans le blanc, là, à surveiller, et aussi que les données de l’œil droit, elles sont pas exploitables, malgré de longues minutes passées à voir s’articuler dans un scanner des formes dignes des meilleurs shoot them up 8 bits d’antan, ici à base de lignes rouges et de croix vertes. Derrière, on n’y voit plus rien à cause des litres de gouttes qui dilatent la pupille grave et qui fait que tout brûle froid, je saurais pas mieux le dire. Aussi, une douleur est venue dans l’œil droit alors je déclenche le chronomètre pour voir si elle s’éloigne ou si elle se rapproche (c’est mitigé) car j’ai besoin de ça en définitive : de données factuelles qui me permettent d’être moi le plus froid de nous deux, et de prendre des décisions en conséquences, dépassionnées. En 6 h 30 de chronométrage et de pupille dilatée, j’ai pointé 80 tronçons différents, avec des rythmes très réguliers (une seconde de douleur toutes les quatre ou cinq minutes, puis toutes les trois, et deux minutes pendant plusieurs heures), puis plus espacés (quatre, six, quinze, vingt, trente minutes), signe que ça s’éloignait de moi. Et c’est comme de mesurer l’orbite d’un corps astral autour d’un autre ou alors les tours effectués par un coureur de fond autour d’une piste, en définitive. Pendant que je fais ça, je ne peux rien faire d’autre que lire, relire, ça tombe bien j’ai beaucoup à faire dans ce domaine, par exemple cette suite d’essais courts de Jacques Ancet absolument remarquable, et je pense essentielle à notre cheminement critique (quand bien même nous ne sommes pas de la même génération, et n’avons pas les mêmes points de références textuels, encore que). À un moment donné :

    (...)si comme le rappelle Octavio Paz, la clef de voûte de l’analogie n’est plus, à l’époque moderne, l’infinité divine qui donne sa cohérence à la Divine Comédie, par exemple, mais un abîme énigmatique, elle est, pour le texte, une réalité non dépourvue, elle non plus, d’une énigmatique profondeur : celle du corps.  

    J’ai failli annuler nos retrouvailles au Pouchla avec T. après des mois sans à cause de cette histoire d’œil ou d’yeux, ce ne sera pas le cas finalement, et il sera question du noir qu’on broie, de Flaubert et du mépris, de la chasse aux alligators dans les égoûts de V, de Minuit aujourd’hui et hier, de l’avant et de l’après, de Claro, d’enceintes bluetooth, de Nate Fisher et de Jimmy McNulty, des choses qui sont ou non mainstream (liste non, mais alors méchamment non exhaustive).

  • 200619

    20 juillet 2019

    Plus je cogite à Eff, plus je me dis que c’est un problème de méthodologie. Je suis à l’aise avec l’idée de réduire 500 000 mots à dix ou vingt fois moins que ça. À l’aise avec l’idée de tout réécrire en changeant de perspective et de focalisation. À l’aise avec l’idée de laisser des pans entiers de récit hors champ, et d’en recomposer d’autres là où jusqu’alors il n’y avait rien. À l’aise aussi avec l’idée de laisser Frankenstein de côté, qui a servi d’impulsion (mais à l’aise également avec l’idée de le relire quand même). Ce que je ne parviens pas à faire, c’est décider dans quel ordre faire tout ça, quand et comment. Et j’envie quelque peu les auteurs qui ont une méthode qu’ils appliquent implacablement à chaque nouveau projet car moi, j’ai l’impression de devoir tout réinventer à chaque fois 8. En réalité, voici ce qu’il faudrait que je fasse (c’est-à-dire voici ce que je recommanderai à autrui de faire s’il ou elle était à ma place et que je me trouvais moi en face d’elle ou de lui) : relire le tout de façon linéaire. Faire un tri extrêmement basique (on garde, on garde pas). Taguer ce qui est sauvé (personnages, thèmes, temporalité, etc.). Relire donc Frankenstein. Réorganiser tout ça, sans doute sous la forme d’un tableur. Réécrire. Relire ça. Réitérer cette opération aussi longtemps qu’il faudra. Dans un mail on me dit : j’espère que je ne te vole trop de temps. Réponse : il tend à s’évaporer de lui-même (c’est vrai). Et c’est déjà le moment où je serpente dans les rues de Ris Orangis, et je me souviens d’une année sur l’autre à quelle rue il faut tourner et où, et au final je retrouve mon chemin sans trop lorgner sur le GPS. E. est là aussi qui arrive précisément au même instant et ce sont les élèves d’H., derrière, qui réinventeront des trucs qui ont du sens pour moi comme « Heroes » ou « La nuit je mens » sur scène. C’est la fin d’une partie de leur parcours et c’est assez touchant, je trouve, d’être témoin de ça et là je me dis : qui a été témoin de mes fins de parcours ? Pas moi en tout cas. Le retour est plus laborieux. C’est un Uber jusqu’à Juvisy pour attraper un D après de longues minutes d’attente sur un quai avec E., T., mais également C., M. et M. que nous avons retrouvés en cours de route, et M. qui me demande si on me verra à la Gay Pride cette année, mais qu’est-ce que j’irai y faire ? Il y a d’ailleurs une phrase pour Eff qui intervient entre deux gares, je la note mentalement, c’est-à-dire non je ne la note pas mais je me la répète. Un contact comme ça sur de la peau à nu, même plusieurs secondes après qu’il s’est produit on continue de le sentir sur soi.

  • 150720

    15 août 2020

    Les allosaures, ils ont un lien avec les allophones ? Leur langue maternelle est une langue étrangère, ce qui en soi est absurde : tout le monde est allophone. Non pas dans le sens où chacun parlerait potentiellement une langue étrangère à quelqu’un d’autre (ce qui est vrai aussi, mais enfin la définition d’allophone précise bien une langue étrangère à celle d’un territoire donné) mais dans celui où, quelque part, la langue de chacun est une langue propre, qu’il ou elle est seul·e à posséder, ce qui explique pourquoi il est si difficile de se comprendre. Huidobro : On doit écrire avec une langue qui ne soit pas maternelle. On ne met pas le même sens derrière les mêmes mots. L’autre jour je disais à quelqu’un : de toute façon, communiquer c’est toujours échouer à communiquer. Pensons au nombre de gouffres : entre l’instinct et la pensée formulée, entre la pensée formulée et le langage vocalisé, entre le langage tel qu’il s’échappe d’une gorge ou d’une bouche et tel qu’il est assimilé par une conque, une oreille, son labyrinthe cartilagineux, un conduit, un tympan, et tel ensuite qu’il est décrypté par la pensée, ou la psychée, de la personne qui écoute (ou n’écoute pas d’ailleurs, ce qui est un autre problème mais qui détermine néanmoins une part de notre incommunicabilité d’espèce). Que faire de ça ? Rien. C’est la question du sens. Tu passes ton temps à tâcher de trouver du sens, notamment dans ce que tu écris, ou dans ce que tu cherches à écrire, et de sens, dans la vie, il n’y en a pas. Nos récits sont ce qu’ils sont : des réductions. Parce qu’ils convoquent (ou parce qu’ils se focalisent sur la question) du sens, ils n’auraient de fait aucun sens ? Pas mal de choses n’ont pas de sens. Les gens qui indiquent en signature d’un mail ancien élève de l’école normale supérieure, les gens qui disent on est en 2020 quand même (comme si 2020 était située à la crête du progrès), les gens qui attendent l’anniversaire de quelqu’un, mort ou vif, pour en parler publiquement, les journalistes qui attendent une actualité quelconque pour parler d’un livre qu’ils ont aimé, les gens qui cherchent du sens en permanence, notammant sur les plateaux télé, notamment pour faire de l’audience, les gens qui trouvent des titres d’article comme Guy Finds Caterpillars On His Supermarket Broccoli And Becomes Their Dad, les gens qui exigent d’un écrivain autre chose qu’une forme d’écriture, par exemple une parole dans les médias, par exemple une image, un slogan, une posture. Une identité. Les vidéos de violence policiaire n’ont plus beaucoup de sens elles non plus : à présent que chacun se filme en permanence et en toute circonstance (effort de protection voire de survie), quand tu regardes une de ces vidéos, tu ne vois plus que ça. Des gens en train de filmer quelque chose. Des gens filmant des gens qui filment des gens qui filment des gens qui filment des gens qui filment. Et au bout de la chaine, rien. L’uniforme encafardé des forces dites de l’ordre. Au moins c’est clair : ce n’est certainement pas la réalité (c’est une image), ce n’est pas non plus le réel, ni la vie, c’est une représentation de représentation. C’est la même chose quand on se retrouve à écouter des musiques de film censées accompagner quelque chose (un film, donc) dans la vie. On cherche son propre accompagnement, une mélodie qui nous mette en valeur. Mais ce n’est pas réellement de la musique. C’est un air d’ascenseur. C’est la même chose avec Twitter : quand tu tombes sur une pub pour Goldman Sachs, tu es coincé. Soit tu ne fais rien, et dans ce cas tu continues à voir pendant X jours la même pub Goldman Sachs. Soit tu interviens et tu utilises le système de personnalisation des publicités du réseau : comprendre donc que tu cautionnes, tu participes. Tu fais le jeu du système. Faut-il quitter Twitter ? Oui, bien sûr. Mais personne ne le fait. Ou si peu. Et toi, non. En réalité, il faudrait cesser de participer à tout ce qui contrevient ne serait-ce qu’infimement à nos valeurs, et dans l’instant, à supposer qu’on en ait (des valeurs, pas des instants). Mais alors, c’est la meilleure façon de se retrouver très vite tout seul. Peut-être que c’est ça que je cherche. Peut-être ça aurait du sens.

  • 051220

    5 janvier 2021

    Si je n’ai aucune idée de ce que racontait concrètement ce rêve, je sais qu’à un moment donné, l’image passait furtivement sur une fenêtre télévisiuelle, l’un de ces éditos contemporains qui est aussi la plaie des médias d’aujourd’hui, je ne citerai pas de noms : tout le monde sait, et au fond toutes les chaînes sont concernées par ces déviances. Dans cette pastille comme on dit, l’éditorialiste disait simplement oui, le retour des jeunesses hitlériennes est une bonne chose (marquant l’accent sur bonne), dans ce rythme reconnaissable entre mille, qui au fond prévaut par rapport au sens (na, na nana na nana nanana na na NA na). Car ce n’est pas le propos, c’est la musique. Ce n’est pas le fond, c’est la forme. Ce n’est pas le langage, c’est le tempo 9. Ou bien alors étaient-ce des couleurs et non des rythmes musicaux, comme chez Ocean Vuong ?

    There were colors, Ma. Yes, there were colors I felt when I was with him. Not words—but shades, penumbras.
    We stopped the truck one time on the side of a dirt road and sat against the driver door, facing a meadow. Soon our shadows on the red exterior shifted and bloomed, like purple graffiti. Two double-cheese Whoppers were warming on the hood, their parchment wrappers crackling. Did you ever feel colored-in when a boy found you with his mouth ? What if the body, at its best, is only a longing for body ? The blood racing to the heart only to be sent back out, filling the routes, the once empty channels, the miles it takes to take us toward each other. Why did I feel more myself while reaching for him, my hand midair, than I did having touched him ?

    Ocean Vuong, On Earth We’re Briefly Gorgeous

  • 140221

    17 mars 2021

    Il y a dans l’écriture une telle énergie du désespoir. Former une phrase, et quand bien même on arrive bien jusqu’à son terme, elle n’est jamais sûre de résister à la prochaine relecture ou la prochaine version. Quand bien même on la garde, qui sait si le passage dans lequel elle se trouve ne va pas, finalement, sauter ? Quand bien même il ne saute pas, et figure dans la dernière version du manuscrit, qui pour le publier ? Quand bien même le manuscrit est publié quelque part et/ou par quelqu’un, il va falloir en passer par une nouvelle série de relectures et de corrections qui ne vont peut-être pas la conserver dans la version finale du livre. Admettons néanmoins qu’elle tienne et que le livre paraisse : combien de semaines de durée de vie aura-t-il pour être en mesure de, comme on dit, rencontrer son public ? Quand bien même il parviendrait à le faire, cette phrase précisément ne va-t-elle pas risquer de se perdre dans le tissu de toutes ces autres phrases qui en composent la trame ? Et quand bien même un lecteur saurait être touché par cette phrase, combien d’autres pour passer à côté ? Et même en admettant que l’ensemble des lecteurs d’un même livre soit touché ou marqué ou remué par cette phrase, cette phrase précisément, lors de sa parution, est-ce un livre que l’on relira volontairement par la suite ? Quand bien même ce livre est bien un classique de son époque, et qui continue à être lu d’année en année, pendant combien de temps un classique est-il considéré comme un classique ? À partir de quel degré de péremption un livre finit de parler à son époque et aux époques suivantes que son époque a engendrées ? Et même en supposant que ce livre soit bien le classique des classiques, le livre intemporel par excellence, qui peut dire si cette phrase ne va pas, au fil du temps, à mesure que son époque de lecture se déconnecte irrémédiablement de son temps d’écriture, finir par ne plus vouloir rien dire aux yeux d’un lecteur des siècles à venir, de sorte que peut-être il faudra une note de bas de page érudite pour l’expliciter ou la contextualiser dans les prochaines rééditions du livre ? Et quand bien même cette phrase elle-même serait à la fois un exemple d’universalité et de justesse littéraire, la planète et ses occupants se sont pas invulnérables, les supports matériels (et donc immatériels, qui s’appuient eux-mêmes sur une même matérialité) vont se faner également, de sorte que cette phrase, fatalement, au bout du compte son destin c’est de s’éteindre. La plupart du temps, sa durée de vie est de l’ordre d’un feu de paille. Quelques rares fois elle atteint à l’universalité, et encore, elle ne vit pleinement sa vie qu’au prix d’innombrables traductions (au sens large). De sorte que la probabilité qu’elle subsiste, et qu’elle subsiste intacte, est infime, et sans doute aussi réduite que celle d’un spermatozoïde aspirant à féconder l’ovule. Sauf que la phrase engendre aussi des phrases, de son côté. Si elle fait germer dans le silence d’un autre texte en gestation une autre phrase, issue d’elle ou dérivée d’elle ou fomentée par elle bien que n’étant pas précisément celle-là, peut-être oui que finalement c’est gagné. À notre corps défendant (de corps qui l’a écrite), c’est gagné. Elle ne meurt pas. Elle joue au jeu de ses métamorphoses. Et je renvoie ici à cette réflexion de Jacques Ancet dans le premier tome de L’amitié des voix à paraître en avril :

    Car c’est à cela que se mesure la grandeur d’un poème : à sa capacité d’engendrement et de ré-engendrement permanent. À sa capacité de renaître, tel le phénix, en autant de lieux, de temps et de langues différentes, des multiples bouches de ses traducteurs qui, à leur tour, en deviennent l’auteur.
  • 050722

    5 août 2022

    À ce moment de l’année, et donc de la position de la planète par rapport à son étoile dite de tutelle, le soleil touche au mur à ma droite à partir de 8 h 06 le matin. Après le mur, c’est la zone de la porte blanche et sa réflexion alors je dois me positionner biseauté par rapport au bureau, vers la gauche, ou bien clore tout ou partie du store. Relisant Le temps des voix pour la (je pense) dernière fois, cette citation de James Sacré : On est devant et dans l’écriture. On est aussi devant et dans le paysage. « Our parents ». L’autre jour, je suis tombé sur un epub pirate des œuvres complètes de Gertrude Stein. Si je n’en ai rien fait, ni lu, c’est que la table des matières excède les 80 pages. Sur France Culture, on s’interroge sur la notion de territoire, et d’ailleurs y a-t-il fracture ou fragmentation du territoire ? Plutôt des disjonctions morphologiques, nous apprend l’invité, avant qu’on n’éteigne la radio pour passer à autre chose. Bonjour, Je suis chargée des partenaires chez SEMJuice. Je constate que vous n’êtes pas encore partenaire de notre plateforme netlinking, actrice pourtant majeure sur le marché français.


  • ↑ 1 Vous avez déjà fait l’imagerie du cerveau ?

    ↑ 2 C’est aussi utilisé, avec un autre dosage, comme antidépresseur.

    ↑ 3 Je n’ai jamais dû écouter une seule chanson de Prince en entier de toute ma vie.

    ↑ 4 

    la neige qui ruisselle sur les toits, les gouttes sur la vitre, les souliers qui prennent l’eau, le loyer à payer, la peur de la vieillesse, la lumière cendre olive au-dessus du fleuve, toutes ces choses penchées, glissant en un éboulement sans fin

    Jacques Ancet, L’incessant, P. 66, publie.net

    ↑ 5 Lu aussi dans ses Relevés ce truc, « Je suis descendu jusqu’au lac ». Sans hiérarchie dans l’écriture du journal (en est-ce un ?), et on ne sait pas jusqu’où littéralement le texte va descendre.

    ↑ 6 Chapitre du pêcheur, et puis ce bout de phrase ici : désormais, je suis bien pire que ça : je suis une mante.

    ↑ 8 Là-dessus, dans Amnésie du présent, Jacques Ancet écrit : Pour l’artiste véritable, tout commence quand il ne sait plus faire. Quand il se retrouve seul, démuni, comme au premier jour, devant le pas à risquer dans l’obscur. Il croyait savoir : il ne sait rien. Les œuvres qu’il a pu produire jusque-là ne lui sont d’aucun secours. Au contraire, même : elles approfondissent en lui l’angoisse d’avoir été et de n’être plus ; d’avoir réussi (mais comment ?) ce que jamais plus, peut-être, il ne réussira. « Ce qu’il y a de terrible dans l’art, écrit Rilke, c’est que plus on y avance, plus on est obligé à l’extrême et presqu’à l’impossible. »

    ↑ 9 Ce qui semble-t-il me ramène à ce passage dans L’Amitié des voix de Jacques Ancet sur lequel je travaille aujourd’hui :

    Car il n’est langage qui exprime pareille aventure. Seul, peut-être, ce simple balbutiement filé entre les mots. Le même que celui de Jérémie qui, nous dit Jean de la Croix dans le commentaire de son poème, après avoir entendu le langage divin, « montra son impuissance à le manifester et le dire extérieurement quand, Dieu lui ayant parlé, il ne sut rien dire d’autre que a a a ». Remarque étonnamment proche de celle consignée par Marina Tsvetaïeva dans son journal quatre siècles plus tard : « Ma difficulté (pour l’écriture des vers et peut-être pour les autres la compréhension) est dans l’impossibilité de mon problème, par exemple avec des mots (c’est-à-dire des pensées) dire un gémissement : a-a-a / Avec des mots, des pensées dire un son. Pour que dans les oreilles reste seulement a-a-a ».