Danielle Collobert



  • 100819

    10 septembre 2019

    C’est une femme l’air un peu sèche mais pas non plus totalement dénuée 1 de fantaisie. Je ne dis pas que je la connais mais enfin, si d’aventure je venais à la croiser dans la rue, je saurais la reconnaître. Pendant plusieurs années, c’est dans son bureau qu’on allait chercher chaque semaine nos paniers de légumes (amap). Là, disons que j’usurpais l’identité de quelqu’un afin de la rencontrer pour lui demander de nous aider à financer un projet. C’est une application pour casque de réalité virtuelle, on pourrait équiper tous les écosystèmes VR du marché avec ça. Ce n’est pas à proprement parler un jeu. C’est une façon de représenter l’anatomie humaine sous la forme de grande feuilles bristol dans une chemise d’architecte. On fait défiler chaque micro particules du corps humain de manière à effeuiller l’être, et puis les comparer entre eux. Ça l’intéresse. Elle estime à 30M€ la somme nécessaire à la production d’un tel truc. C’est plus que ce que j’en espérais et, moi, au terme de ça, je viderai discrétos le fond de mon café pas bon quelque part quand elle aura le dos tourné. De but en blanc, je te dirais bien que le chapitre seize du Petit bleu de la côte ouest de Manchette propose une de ces dilatations temporelles dont j’apprécie particulièrement l’apparition dans un récit aussi sec, où l’ensemble de l’intrigue jusque-là (soit quand même près des trois quarts du livre) se concentre en quelques jours à peine. Et là, sur ce chapitre, on est dans le temps long : huit à dix mois. Un peu plus tard : Toutefois il s’écoula quelque temps avant qu’Alphonsine et Gerfaut se sautassent dessus pour se posséder. Une autre phrase, cette fois dans Meurtre 2 de Danielle Collobert : Nous le tuerons de mille manières. Et, moi, j’en suis arrivé à un point (J+6) où la douleur est tellement imperceptible qu’on ne la sent même plus. C’est la douleur après la douleur. Pourtant, ce n’est pas rien pour autant. Il y a quelque chose. Quoi ? Et est-ce que le plus grand luxe pour un samedi ce n’est pas de se lever à 7h, pour ensuite se recoucher une heure et demie plus tard et se taper tout un tas de petits-déjeuners différents ? On devrait passer sa vie à faire ça. N’est-ce pas précisément ce que font les koalas ? Dans le doute, toujours faire comme les koalas. Quid du curcuma, est-ce soluble dans le café ? Mais ne faut-il pas du poivre pour fixer le curcuma ? Du café au curcuma au poivre ? Cette recette dit qu’on peut. Un cappuccino au curcuma. Fichtre. J’essaye de pas faire de mon corps un genre de réceptacle à tout un tas de remèdes de grand-mère contre rien. Mes jours sont un lacis de rituels. Laci vient de Manchette. Et voici un alexandrin : Faire de ses jours un lacis de rituels, c’est chaud. C’est un bien pauvre alexandrin (car il implique de contracter rituels), mais, enfin, on peut dire que je l’aime bien. On pourrait l’enrichir en modifiant la fin en c’est ouf (ainsi le F l’ouvrirait et irait par jeu de symétrie le clore). Mais je ne crois pas que je dirais spontanément c’est ouf dans la vie réelle. Tout le contraire de c’est pas ouf, curieusement. À cause de quelqu’un je me méfie des comme. Je me souviens que C. disait, sous le coup d’une déception X ou Y, ah, misère à poil... C. parlait aussi des cocos du jour, mais je n’ai jamais compris dans quel sens. Valait-il mieux être ou ne pas être un coco du jour ? Par exemple, lui, c’est (ou c’est pas) un coco du jour... Jamais osé lui demander. Que devient-elle ? À en croire un rapport du GIEC, consommer du soja, du riz, de l’avocat, c’est une catastrophe écologique. Je venais de (re ?)découvrir que les avocats, c’était bon contre la migraine. Mais après tout, une catastrophe écologique, qu’est-ce qui ne l’est pas ? À ce rythme, on va bientôt se rendre compte que les rapports du GIEC sont une catastrophe écologique. En soi, avoir écrit et stocké et sauvegardé cette phrase, puis l’avoir copié X fois via divers jeux de sauvegardes automatiques chaque jour et en avoir récupéré la copie d’une copie via synchronisation automatisée (Automator X Transmit), c’est une catastrophe écologique. Penser, c’est une catastrophe écologique ? Constater que quand on ferme les yeux, des milliards des millards de petites pointes blanches ou colorées subsistent, est-ce que c’est une catastrophe écologique ? L’expression catastrophe écologique est une catastrophe écologique. Catachrèse. Catwoman. Qu’attendons-nous pour ne rien faire ? Avant de ne rien faire, sauver des mots dans Eff. Un chapitre 71 qu’il a fallu couper en deux (trop long). 2324 mots sur 10833. Il y a une phrase que j’aurais aimé garder mais que je ne peux garder. Je la note pour Grieg. C’est dans la bouche d’un personnage : N’ayez pas honte de vos pieds difformes. Et quand je vois à quel point je fourmille en approchant toujours plus près de la vérité d’une mystérieuse barre grise qui me pourrit la vie dans le design du back office de Spip et que j’essaye depuis des jours de faire disparaître (une barre qui n’est ni #ccc ni #ddd ni #eee de couleur mais un étrange #fbfbfb introuvable dans toutes les feuilles de style) sans jamais la toucher, je comprends que les explorateurs de jadis aient voulu coûte que coûte percer les mystères des sarcophages pharaons no matter what, et tant pis pour les risques de malédictions sur leurs proches et eux-mêmes. En fait, je crois que cette barre n’est pas une barre mais une bordure de quelques pixels de haut (1em peut-être ?), peut-être défini par l’un des trucs qui régissent #page mais où ? Là, je nageais dans style_prive.css. Mais la réalité est toujours un ton en dessous de nos attentes : au moment où je trouve la parade (mais non la vérité) en modifiant #page en #page { background: #2F4F4F; border-top: 1px; border-style: dashed; padding-top: 1em;  } (imposer une bordure supérieure hachée d’un pixel de haut, ce qui revient en fait à masquer la moitié de cette barre sous la forme de pointillés), je comprends tout simplement que ma bordure n’est qu’un dérivé de #bando_haut qu’il fallait tout simplement forcer dans style_prive_default.css, interrogé en dernier (et non dans bando.css).

  • 160819

    16 septembre 2019

    Tout ce dont j’avais réellement besoin à Auchan, c’était d’un régime de bananes 3. Alors comment se fait-il que je me retrouve à revenir avec, dans mon sac, en plus dudit régime, un paquet de pains suédois, un paquet de coquillette estampillé ces coquillettes rémunèrent au meilleur prix leurs producteurs de blé (parce que ce n’est pas le cas d’habitude ?), un paquet de riz basmati bio, deux pots de sauce tomate ail et oignons, un bocal de maïs doux et croquant, un parmesan sous plastique, des nectarine jaunes, une salade feuille de chêne (qui apparait sous la dénomination batavia sur mon ticket de caisse), trois endives, une botte de radis roses, une barquette de framboises, une barquette de myrtilles, une buchette de fromage de chèvre et une baguette ? Plus loin ce jour-là, une phrase qui pourrait tout à fait servir d’épigraphe à Eff, si je croyais aux épigraphes : Pourquoi autour de moi tant de marées. 4 Et une première phrase possible, cette fois-ci la mienne, pour ce truc insoluble et qui s’appelle Morphine(s) : Quoi que tu puisses penser, tu es quelqu’un de bien. Dans Eff, nous pourrions avoir des chapitres de plus en plus long, jusqu’à un passage clé à partir duquel tout se rompt, et on repart sur des chapitres très courts. Ça aurait un sens au niveau de la structure, de l’équilibre général. Dans Après tout, chaque chapitre pourrait se terminer juste avant un élément clé, on ne serait donc que dans ça tout du long : l’imminence.

  • Un herbier pour Chiasma

    19 septembre 2019

    Cărtărescu, Mircea, Orbitor, Denoël, traduction Alain Paruit

    Nous recevons la lumière par deux œufs cornés farcis de gelée, nous la convertissons en impulsions électriques et la transférons à un amas de mucillages humides, dans une coquille calcaire. Nous ne saurons jamais comment une longueur d’onde devient une sensation subjective, comment nous voyons (mais comment voyons-nous, Seigneur ?) un pétale de gueule-de-loup.

    Collobert, Danielle, Œuvres I, P.O.L

    « Mais voilà que tout à coup, au sein du repos, une fleur nouvelle jaillie, s’ouvre, peu à peu énorme, au centre de l’oeil, l’emplit, le renouvelle. » (Meurtre, P. 26)

    « Je ne souffre plus – mais je meurs doucement, sans fin. » (Meurtre, P. 39)

    « J’ai une mer intérieure, pas bien grande, mais elle m’emplit tout entier. Ce n’est pas une eau tranquille, dormante, comme on dit. Suivant les jours, les jeures, elle se gonfle , me secoue. Elle suit le ythme des marées, les miennes. Les vagues montent et roulent dans ma tête. Elle se rue sur mes digues. Elle frappe de toutes ses forces mes rochers, elle s’engouffre dans mes cavernes, les grottes les plus reculées, elle se brise contre mes falaises. Des masses d’écume s’accrochent aux récifs. Au creux des vagues descendent mes organes emmêlés.
    Elle pourrait me noyer, me briser, mais au contraire, son existence me fait vivre, difficilement, c’est vrai, parce que c’est un poids en moi, mais un poids indispensable, vivant. » (Meurtre, P. 45)

    « Lorsque leurs yeux étaient peu à peu habitués à la lumière, lorsque leurs paupières s’ouvraient par soubresaut, alors déjà, il était trop tard. » (Meurtre, P. 72)

    « Pour y arriver, il faut être sans poids. Pouvoir à ce point s’alléger des autres, se gonfler du vent, glisser sur les fumées, gommer les titres, faire fondre l’avant, cinquante ans de choses. Regarde. » (Dire I, P. 121)

    « Le travail du courant dans tes veines, ton souffle peu à peu envahi glissant dans la lourdeur, révolte – mouvement d’ailes mouillées battues partout dans l’air sans pouvoir – appel perdu, rondeur emportée. » (Dire I, P. 133)

    « Obscurité totale, venue d’où. Ne cherche pas à savoir. Je te cherche toi vivant, vivante, sans équivoque. Qui es-tu. Te transformer comment. Appartenir déjà aux contradictions. J’admets d’être trahi. L’amour sans l’autre tout fait fait. Donne-toi. Je dis donne-toi. Je te reçois, je t’admets à nouveau, mais toi, déjà sombré, déjà engloutie. » (Dire I, P. 141)

    « Personne n’entend ces bruits qui accompagnent le jour pour le calme le repos, et résonnent encore là. Tout entrelacé, maintenant, marais plutôt, à cause des brumes – des aubes craquantes d’écorces, entre les joncs, les herbes hautes, les roseaux à mi-corps, remuant les parfums mouillées d’automne étalés en larges bandes à peine au-dessus de l’eau, sensation de mou, d’enfoncement, happés à mi-jambes, adhérence gluante et douce. Nous provoquions des envols furtifs apeurés, ou de vastes migrations vers le sud, dans les nuages peu à peuécartelés. Nous arrivions aux sommets, cachés au ras de terre dans les mousses, jusqu’au soir devant les vallées. » (Dire I, P. 148)

    « Faire comme si rien n’arrivait, je ravale salive et sueur – cache mes yeux, atténue – se contraindre à ne pas transpercer, étouffer le regard, trop d’éclairage, retrait impossible de l’oeil, nulle part, nul endroit pour se soustraire, lenoir aussi s’allume. » (Dire I, P. 152)

    « Il n’y a plus qu’à regarder, voir, amener du sombre, amasser la clarté. » (Dire I, P. 155)

    « Très bas descendre à la frontière de l’ondulation, au pied des remparts, seul avec le rythme. » (P. 163)

    « Je voudrais de l’oeil, de la consistance, de la sensation d’oeil partout dans la tête. » (Dire I, P. 169)

    « La fin du monde pour toi. » (Dire I, P. 205)

    « courbes de l’espace plus ou moins étendues dans l’oeil » (Dire II, P. 217)

    « fuite aussi de la lumière vers l’extrémement blanc – soleil blanc à l’intérieur – incandescence aussi » (Dire II, P. 225)

    « avec cette lumière pouvoir traquer leschoses – les moments – balayer l’espace – aller jusqu’au fond – jusqu’au bout » (Dire II, P. 239)

    « éclatement de l’oeil – immensité reçue d’un coup – inondant la surface acqueuse – débordera du corps en flamme – un jour – sans doute »

    au ras de la chair pour chercher l’obscurité – il colle se syeux aux creux sombres – cils immobilisés – aplatis contre la peau humide – cherche sa nuit » (Il donc, P. 321)

    « lumière des veines qui vient » (Survie, P. 418)

    Kerouac, Jack, Book of Sketches

    « & thou art an animal dying in the wilderness »

    Séné, Joachim, « Il pleut à la bouteille »

    « Je me souviens aussi de l’horizon du soir, juste après le coucher du soleil, en automne ou en hiver, s’il est rose fuchsia, c’est qu’il gèlera le lendemain. Pareil, jamais démenti. Il peut geler sans ça, mais si le soir est rose, il gèle pendant la nuit. Je crois que ça ne marche qu’ici, disons de l’Île de France aux Ardennes, à la Picardie et au Nord, peut-être jusqu’en Normandie, en Touraine, mais pas plus loin, je ne sais pas. »

    Goethe, Johann Wolfgang, Traité des couleurs[[Traduction Henriette Bideau, la pagination renvoie à la 4ème édition parue en 2006 chez Triades. L’introduction et les notes sont de Rudolf Steiner (signalé par "RS" ici).]

    RS : « ondes dans l’éther » (P. 24)

    RS : « Si nous pouvions suivre la succession entière des processus qui s’effectuent lors d’une perception sensible, depuis la terminaison nerveuse périphérique dans l’organe sensoriel jusque dans le cerveau, nous ne pourrions cependant jamais trouver le point où viennent à cesser les processus mécaniques, chimiques et organiques, bref ceux qui se déroulent dans le temps et dans l’espace, et où l’on voit paraître ce que nous appelons proprement la perception, par exemple la sensation de chaleur, de lumière, de son, etc. Le point ne peut être trouvé là où le mouvement qui est à l’orgine de la perception se transforme en son effet : la perception même. Mais sommes-nous donc fondés à dire que les deux choses sont entre elles dans un rapport de cause à effet ? » (P. 32-33)

    RS : « oscillations hypothétique de l’éther » (P. 34)

    RS : « un milieu qui, en fonction de sa nature, n’est apte qu’à la dilatation ou à la compression, ou au mouvement oscillatoire. » (PP. 34)

    RS : « Le monde perçu n’est donc rien d’autre qu’une somme de perceptions métamorphosées. » (P. 35)

    Newton : « La lumière est composée de lumières colorées. » (P. 40

    RS : « La science de Goethe vise toujours l’élément central. » (P.44)

    RS : « On ne doit pas, à la manière de Schopenhauer, déduire la couleur, quant à son essence, de ce qu’est l’oeil. Cependant il faut que soit décelée en l’oeil la possibilité d’une apparition de la couleur. L’oeil ne détermine pas celle-ci, mais il cause son apparition. » (P. 45)

    RS : « Comment le monde des corps apparait-il coloré ? » (P. 46)

    RS : « Ce qui apparaît dans notre esprit sous la forme d’une loi naturelle, ce qui se manifeste dans notre âme, c’est la pulsation de l’univers lui-même. » (P. 47)

    RS : « Seul l’espace est ce qui ne tient compte de rien, sinon justement de ce que les objets soient distincts. » (P. 48)

    RS : « l’espace lui-même devant mon âme ? » (P. 49)

    RS : « L’espace est donc une manière de concevoir le monde comme unité. L’espace est une idée. » (P. 50)

    RS : « des vibrations dans l’éther lorsque je vois du "rouge" devant moi. » (P. 53)

    RS citant Descartes : « si je les considère de plus près, et si je les examine de la même façon que j’examinais hier l’idée de la cire, je trouve qu’il ne s’y rencontre que fort peu de chose que je conçoive clairement et distinctement à savoir, la grandeur ou bien l’extension en longueur, largeur et profondeur ; la figure qui est formée par les termes et les bornes de cette extension ; la situation que les corps diversement figurés gardent entre eux ; et le mouvement ou le changement de cette situation ; auxquelles on peut ajouter la substance, la durée, et le nombre. Quant aux autres choses, comme la lumière, les couleurs, les sons, les odeurs, les saveurs, la chaleur, le froid, et les autres qualités qui tombent sous l’attouchement, elles se rencontrent dans ma pensée avec tant d’obscurité et de confusion, que j’ignore même si elles sont véritables, ou fausses et seulement apparentes, c’est-à-dire si les idées que je conçois de ces qualités, sont en effet les idées de quelques choses réelles, ou bien si elles ne me représentent que des êtres chimériques, qui ne peuvent exister. » (P. 59)

    RS citant Goethe : « Qu’on ne cherche donc rien derrière les phénomènes, ; ils sont eux-mêmes la théorie. » (P. 65)

    RS : « Le chercheur examine alors quelle sorte de phénomènes de mouvements extérieurs le son, la lumière, la couleur, etc., font naître dans l’âme humaine. Il parvient à cette conclusion qu’en dehors de l’organisme, il n’existe nulle part dans le monde du rouge, du jaune ou du bleu, mais seulement le mouvement ondulatoire d’une matière subtile, éleastique, de l’éther, mouvement qui, ressenti par l’oeil, se manifeste par du rouge, du jaune ou du bleu. » (P. 66)

    RS citant Wundt : « la matière (...) est un substrat qui ne nous est jamais perceptible lui-même, mais seulement toujours dans ses effets. » (P. 67)

    RS citant Du Bois-Reymond : « le mouvement ne peut engendrer que le mouvement » (P. 70)

    RS : « Nous ne pouvons déduire de mouvements aucune autre qualité sensorielle non pas parce qu’une limite de la connaissance nous en empêche, mais parce qu’une telle exigence n’a aucun sens. » (.P. 70-71)

    RS : « nous ne devons pas réduire la lumière à des formules conceptuelles abstraites ou à des représentations de mouvements mécaniques, (...) il nous faut voir en elle la vie à l’œuvre dans les phénomènes colorés. Nous ne donc pas la rechercher au-delà et isolée des couleurs qui apparaissent comme ses effets, mais en elles et avec elles. » (P. 79, note)

    RS : « Les couleurs sont des actes de la lumière, des actes et des souffrances. » (P. 79)

    RS : « L’oeil doit son existence à la lumière. À partir d’organes animaux secondaires et indifférents, la lumière produit pour elle un organe qui devient sons emblable, et ainsi l’oeil se forme par la lumière et pour la lumière, afin que la lumière intérieure vienne répondre à la lumière extérieure. » (P. 88)

    RS : « Dans son unicité, la lumière ne peut être expliquée, il nous faut la connaître dans son rapport à la matière, aux objets ; alors elle nous est elle-même connue. » (P. 89)

    « Personne ne niera cette parenté directe de la lumière avec l’oeil ; mais il est plus malaisé de se représenter les deux à la fois comme ne faisant qu’un. Cependant la chose devient plus compréhensible lorsqu’on affirme qu’en l’oeil réside une lumière au repos, laquelle serait suscitée par le moindre stimulant venant de l’intérieur ou de l’extérieur. Nous pouvons, en y contraignant notre imagination, faire naître en nous dans l’obscurité les images les plus claires. Dans le rêve, les objets nous apparaissent tels qu’en plein jour. À l’état de veille, la moindre impression extérieure produite par la lumière nous est perceptible ; et même, lorsque l’organe subit un choc d’origine mécanique, la lumière et les couleurs y jaillissent. » (P. 89)

    « Si nous devons encore formuler une propriété générale, nous dirons qu’il faut considérer les couleurs absolument comme des demi-lumières, des demi-ombres ; c’est pourquoi, lorsqu’étant mélangées leurs qualités spécifiques se neutralisent réciproquement, elles produisent une teinte d’ombre, un gris. » (P. 91)

    « Lors de l’activité que nous nommons "voir", la rétine se trouve simultanément dans des états différents, voire opposés. La plus grande clarté, à condition qu’elle ne soit pas aveuglante, agit à côté de l’obscurité complète. Nous percevons simultanément toute la gamme du clair-obscur ainsi que toutes les nuances de couleurs. » (13, P. 99)

    « Il est à remarquer que l’intensité avec laquelle la lumière frappe l’oeil a une importance particulière. L’image la plus persistante est celle du Soleil. La trace des autres objets subsiste plus ou moins longtemps dans l’oeil suivant leur plus ou moins grande luminosité.

    Ces images disparaissent progrssivement en perdant peu à peu aussi bien de leur netteté que de leur étendue.

    Elles se résorbent à partir de la périphérie, et on croit avoir remarqué que les angles des images carrées s’émoussent peu à peu de façon à former finalement une image ronde de plus en plus petite flottant devant les yeux.

    (...)

    Dans le cas de certaines maladies des yeux, les images peuvent persister pendant quatorze à dix-sept minutes, et même plus longtemps. Ce fait indique une faiblesse extrême de l’organe, et son incapacité à se reconstituer. Nous pouvons le comparer à la persistance des images d’objets aimés ou détesté, qui, ne cessant de flotter devant nos yeux, sont les signes visibles de notre état intérieur. » (24, 25, 26, 28 P. 102)

    « Une figure grise nous apparaîtra beaucoup plus claire sur un fond noir que sur un fond blanc. Lorsque nous juxtaposons les deux situations, il nous est difficile de croire que les deux figures sont du même ton gris. Nous croyons trouver ici un nouvel exemple de la vive mobilité de la rétine, et de l’antagonisme tranquille que tout organisme vivant est contraint de manifester lorsqu’on le place dans une situation déterminée : l’inspiration appelle l’expiration, et toute systole une diastole. C’est la formule éternelle de la vie qui se manifeste ici aussi. Aussitôt qu’à l’oeil on présente l’obscur, il demande le clair ; il recherche l’obscur si on lui présente le clair, exprimant ainsi qu’il est vivant et justifié à saisir l’objet, puisque produisant lui-même un état opposé à celui de l’objet. » (38, P. 105)

    « Une figure complètement incolore et aveuglante impressionne l’oeil très fortement et y persisite assez longtemps. Sa disparition progressive est accompagnée de phénomènes colorés. » (39, P.106)

    RS : « l’ensemble du spectre, le pourpre compris, est préformé dans l’oeil » (Note, P. 106)

    « La rétine réaigt à un éblouissement total comme à l’impression d’une figure éblouissante limitée. À ces réactions appartiennent la couleur pourpre qui recouvre toutes choses aux yeux aveuglés par la neige, ainsi que la couleur verte d’une rare beauté que revêtent les objets sombres lorsqu’on a longtemps regardé un papier blanc placé au soleil. La nature de ces phénomènes pourra être étudiée de plus près par ceux dont les yeux jeunes peuvent, pour l’amour de la science, supporter encore de telles expériences. » (45, P. 107-108)

    « elle provient d’une image qui désormais appartient en propre à l’oeil » (49, P. 108)

    « le jaune demande le violet, l’orange le bleu, le vert le pourpre, et inversement. Toutes les nuances s’appellent l’une l’autre alternativement, la couleur plus simple appelle la plus complexe, et inversement. » (50, P. 109)

    « Deux conditions doivent être réunies pour que les ombres colorées apparaissent ; tout d’abord qu’une lumière colorée teinte la surface blanche, et qu’ensuite un contre-éclairage frappe dans une certaine mesure l’ombre projetée. »

    « Au crépuscule, plaçons une bougie allumée de faible hauteur sur une surface blanche. Entre cette bougie et la lumière déclinante du jour, on place un crayon verticalement de manière à ce que la faible lumière du jour éclaire sans la faire disparaître cette ombre, qui paraîtra alors d’une très belle couleur bleue. »

    Note RS, P. 114 :

    « On remarque aussitôt que cette ombre est bleue ; mais il faut de l’attention pour se convaincre que la surface blanche est en rélaité teintée d’un léger éclat jaune rouge, lequel appelle cette couleur bleue dans l’oeil. » (64, 65, 66, P. 114)

    « la couleur elle-même participe de la nature de l’ombre » (69, P. 114)

    RS : « Un point lumineux produit sur la rétine non pas l’image d’un point, mais tout un cercle. L’oeil reçoit par conséquent une image qui dépasse les limites réelles de l’objet. Les objets semblent alors entourés d’une bordure supplémentaire, et c’est celle-ci que l’on nomme halo. » (Notes, P. 120)

    RS : « Plus une lumière est intense, moins le halo produit est visible. La lumière électrique aussi apparaît à l’oeil strictement limitée. » (Note, P. 120)

    « ce nimbe produit dans notre oeil » (91, P. 120)

    « une lueur circulaire nébuleuse » (91, P. 120)

    « Pour pouvoir produire un halo dans l’oeil, la lumière doit être modérée et non aveuglante ; en tout cas, les halos qui seraient produits ainsi ne pourraient être perçus. Ainsi nous pouvons voir un halo autour du soleil en regardant son reflet dans l’eau.

    Si l’on est attentif, on remarque autour de ce halo une bordure jaune. Mais l’effet ne se borne pas là, et semble se poursuivre en engendrant des cercles alternants.

    De nombreux phénomènes semblent indiquer que la rétine produit un effet de forme circulaire, dû soit à la forme sphérique de l’oeil lui-même et de ses différentes parties, soit à une autre cause.

    Lorsqu’on appuie sur les coins intérieurs des yeux, on voit des cercles, soit clairs, soit foncés. Pendant la nuit, on peut parfois, sans exercer de pression, observer une semblable succession de cercles dont l’un naît de l’autre et l’engloutit aussitôt.

    (...)

    Nous pouvons considérer les halos subjectifs comme le résultat du conflit entre la lumière et un espace vivant. Un mouvement ondulatoire naît d’un conflit entre la force qui meut un objet et cet objet. On peut établir la comparaison avec les cercles qui se forment dans l’eau lorsqu’on y jette une pierre. L’eau est chassée dans toutes les directions, l’effet culmine, décroît, puis prenant la direction inverse, se poursuit vers la profondeur. L’effet se poursuit, culmine à nouveau, et c’est ainsi que les cercles se reproduisent. Souvenons-nous des cercles concentriques que l’on fait naître à la surface du liquide contenu dans un verre dont onf ait vibrer le bord pour produire un son , souvenons-nous des vibrations intermittentes de cloches dont les sons vont décroissant ; nous aurons ainsi une idée approchée des modifications subies par la rétine lorsque la lumière d’un objet la frappe - à ceci prêt qu’étant vivante une certaine disposition quasi-circulaire lui est inhérente. » (93, 94, 95, 96, 98, P. 120-121)

    « la lumière galvanique » (114, P. 124)

    « Les malades souffrant de parasites intestinaux ont souvent des sensations visuelles étranges ; tantôt des étincelles ou des formes lumineuses, tantôt des figures effrayantes dont ils ne peuvent se débarrasser. Parfois, ils voient double. »

    « Les hypochondres voient souvent des figures noires sous forme de fils, de cheveux, d’araignées, de mouches ou de guêpes. Au début de la cataracte noire on voit souvent les mêmes phénomènes. Quelques malades voient de petits tubes translucides comme des ailes d’insectes, ou encore des petites bulles d’eau de dimensions différentes, qui descendent lorsqu’on relève les yeux, qui apparaissent tnatôt liées les unes aux autres comme le frai d’une grenouille, et tantôt sont des sphères entières discitnctes ou encore des lentilles.

    (..)

    Plus l’oeil est faible, plus l’image persistera. La rétine ne se rétablit que très lentement ; on pourrait même parler d’une sorte de paralysie. » (118, 119,122, P. 125)

    « Lorsqu’on fixe le soleil, il peut nous arriver de porter son image dans notre oeil pendant plusieurs jours. Boyle nous fait part d’un cas où ce phénomène a persisité pendant dix ans. » (123, P. 125) : Retrouver ce cas

    « Les aéronautes, en particulier Zambeccari et ses compagnons, prétendent avoir vu la lune d’une couleur rouge sang, lorsqu’ils se trouvaient au plus haut point de leur ascension. Comme ils s’étaient élevés au-desus des brumes et des nuages, à travers lesquels nous voyons habituellement la lune et le soleil colorés d’une telle teinte, on peut supposer qu’il s’agit là d’un phénomène relevant des couleurs pathologiques. Car on pourrait penser que les sens, dans cette situation très particulière, sont affectés de façon telle que tout le corps, et plus spécialement la rétine, retombent dans un état d’inertie et de non-irritabilité. Il n’est donc pas impossible que la lune produise à cette hauteur une lumière très atténuée ; d’où la sensation d’une couleur rouge. Les aéronautes de Hambourg voyaient le soleil également dans une teinte rouge sang. » (129, P. 126)

    « Du point de vue empirique, la transparence elle-même est déjà le premier degré du trouble. Entre la transparence et l’opacité blanche, il existe un nombre infin de degrés de trouble. » (148, P. 133)

    « Le soleil, vu à travers une brume d’une certaine densité, nous apparaît comme un disque jaune pâle ; souvent le centre est d’un jaune encore éblouissant quand le bord est déjà teinté de rouge. Vu à travers la brume sèche du Nord (comme en 1794), et plus encore dans cette disposition de l’atmosphère que crée le sirocco dans les contrées méridionales, le soleil apparaît rouge rubis ; dans ce dernier cas, tous les nuages qui l’entourent renvoient cette couleur.
    Les teintes rouges de l’aurore et du crépuscule sont dues à la même cause. Le soleil s’annonce par une couleur rouge parce que sa lumière nous parvient à travers une masse de brume plus importante que normalement. Plus il monte, plus son éclat devient clair et jaune.

    Quand l’obscurité de l’espace infini est vue à travers des brumes atmosphériques éclairées par la lumière du jour, la couleur bleue apparaît. Sur les sommets élevés, le ciel apparaît de jour bleu roi, parce que seules quelques vapeurs légères flottent devant les ténèbres de l’espace infini ; dès qu’on descend dans les vallées, le bleu s’éclaircit et passe finalement à un blanc bleuté dans certaines régions et lorsque les brumes deviennent plus denses. » (154, 155, P. 134

    « Nous voyons bleus les endroits ombrés des objets proches lorsque l’air est saturé de brumes fines » (157, P. 135)

    « À la lumière du soeil, le fond de la mer apparaît pourpre aux plongeurs ; dans ce cas c’est l’eau de mer qui agit comme milieu trouble et épais. À cette occasion, les plongeurs voient les ombres colorées de vert, ce qui est bien la couleur exigée par l’oeil. » (164, P. 135)

    « tout milieu perçu pragmatiquement comme transparent [peut] déjà être considéré comme trouble en soi » (178, P. 140)

    « pour que des couleurs apparaissent, il faut que des figures soient déplacées »(198, P. 144)

    « La couleur qui apparaît en avant dans le sens du déplacement de la figure est toujours plus large que la suivante, et nous l’appelons "lisière" ; celle qui reste à lalimite est la plus étroite, et nous l’appelons "frange". NdT : Nous traduisons par "lisière le mot Saum, par "frange" le mot Rand. » (212, P. 147)

    « réfringence » (190, P. 164)

    « en l’absence de limites, aucune couleur n’apparaît » (306, P. 167)

    RS : « La physique matérialiste confond très fréquemment les lignes ajoutées mentalement aux phénomènes avec des formes de phénomènes objectivement présentes. La lumière suit une direction déterminée. Nous pouvons matérialiser cette direction par des lignes sur le papier. Maos si nous usons de ces lgnes comme si elles étaient de véritables objets, nous remplaçons la forme du phénomène par une fiction. »

    (Note, P. 168-169)

    RS : « Goethe voit dans le rouge un blanc intensifié. » (Note, P. 170)

    « une augmentation de déplacement produit des couleurs plus vives » (323, P. 171)

    RS : « Pour lui, le rouge par exemple n’existe pas en soi, c’est un processus, un phénomène ; il n’est pas contenu dans le blanc dans la réalité, ce qui en ferait une composante de celui-ci ; il n’y a dans le blanc que la possibilité d’y faire apparaître la couleur par des procédés extérieurs. » (Note, P. 172)

    « Le soleil peut briller par l’ouverture la plus réduite, c’est pourtant l’image de son disque entier qui la franchit » (336, P. 174)

    « cette lumière ne pouvait engendrer les couleurs qu’en livrant combat à la matière » (??)

    « de petits points lumineux, des images du soleil répété » (368, P. 181)

    « une coloration vermiculaire » (375, P. 184)

    « Dans la nacre, nous apercevons des fibres et lamelles organiques jouxtantes d’une extrême finesse, dont naissent comme sur l’argent éraflé des couleurs bigarrées, le pourpre et le vert éminemment. » (378, P. 184)

    « Lorsqu’autour du soleil le ciel est blanc et lumineux, alors que des vapeurs légères emplissent l’atmosphère, lorsque les brumes ou des nuages flottent autour de la lune, le disque de l’astre se reflète en eux. Les halos que nous apercevons alors sont simples ou doubles, petits ou grands, parfois très grands, souvent incolores, parfois colorés. » (383, P. 185)

    « Qui se promène au soleil dans un jardin ou ailleurs sur un sol aplani remarquera facilement que son ombre n’apparaît nettement délimitée qu’en bas, auprès du pied qu’il pose sur le sol ; en remontant, et surtout autour de la tête, l’ombre se confond progressivement avec la surface claire. Car la lumière du soleil ne provient pas seulement du centre de l’astre, mais de ses deux bords ; un croisement vient à se produire, et ainsi se forme une parallaxe objective qui fait apparaître de chaque côté du corps une zone de pénombre.

    Lorsque le promeneur lève la main, il aperçoit nettement au niveau des doigts comment ces deux demi-ombres latérales s’écartent vers l’extérieur, et comment l’ombre principale se contracte vers l’intérieur, deux effets produits par le croisement de la lumière.

    (...)

    Il est facile de se convaincre que ce phénomène est dû à un croisement de la lumière ; ainsi l’ombre d’un corps pointu montre tettement deux pointes. Nous ne devons jamais perdre de vue que dans ce cas, c’est l’image du soleil tout entière qui agit, produit les ombres, les transforme en ombres doubles et finalement les supprime. » (394, 395, 397, P. 187)

    RS, citant Goethe : « Que les bords du soleil produisaient chacun leur propre ombre, c’est ce qui apparut et fut bien confirmé lors d’une éclipse annulaire de soleil. » (Note, P. 187)

    « on remarquera (...) toujours que dans la pleine lumière et lorsque le soleil brille simplement contre un bord, aucune couleur n’est visible. » (403, P. 188)

    « les couleurs paroptiques sont en rapport avec les catoptriques ; ces dernières n’apparaissent que sur des diffures, des points, des cordelettes d’acier, des fils ténus, le cas est donc à peu près la même que celui d’une lumière qui brille en longeant un contour. Il faut que chaque fois la lumière soit renvoyée par un bord pour que notre oeil perçoive une couleur. » (416, P. 191)

    « Qu’on renverse la tête en arrière et qu’on cligne des yeux de manière à voir la barre horizontale de la croisée en dessous de soi, et le phénomène apparaîtra inversé, c’est-à-dire qu’on verra l’arête supérieure jaune, l’arête inférieure bleue.

    (...)

    Ces phénomènes semblent être dus au fait que les parties humides de notre oeil ne sont vraiment achromatiques qu’au milieu, là où s’effectue la vision, mais qu’en direction du pourtour de l’oeil et dans des positions non naturelles – telles la tête penchée ou renversée – une propriété chromatique subsiste, en particulier quand les images observées se détachent nettement. C’est pourquoi ces phénomènes semblent pouvoir appartenir à ceux qui s’apparentent aux dioptriques de la seconde classe. » (421 - 423, P. 192)

    « pellicule calcaire » (431, P. 194)

    « des moirures » (440, P. 195)

    « des roches qui, de nature, sont feuilletées » (449, P. 197)

    « Tous les corps peuvent se colorer, soit que la couleur y soit suscitée, intensifiée, fixée graduellement, soit au moins qu’elle puisse leur être communiquée. » (490, P. 206)

    « Le jaune et le rouge se vouent aux acides, le bleu et l’indigo aux alcalis. » (492, P. 207)

    « Déduction du noir / Déduction du blanc » (P. 208-209)

    « Dans la nature, le noir n’apparaît pas aussi spontanément que le blanc. Nous le rencontrons dans le règne végétal lors d’une combustion partielle, et le charbon, ce corps d’ailleurs si hautement remarquable, nous présente la couleur noire. Lorsque le bois, celui des planches par exemple, est privé de sa combustibilité par la lumière, l’air et l’humidité, on voit apparaître tout d’abord le gris, puis le noir. Et de même nous pouvons transformer en charbon des fragments de corps d’animaux en leur faisant subir une combustion partielle. » (498, P. 209)

    « Ici aussi nous pouvons dire : un blanc qui s’obscurcit, qui se trouble, devient jaune ; le noir qui s’éclaircit devient bleu. » (502, P. 209)

    « l’orphinon d’un pourpre brûlé » (504, P. 210)

    « Quoi qu’il en soit, la réceptivité des terres vis-à-vis de couleurs existantes est très grande, et en particulier celle de la terre d’alun. » (507, P. 210)

    « ethiops » (514, P. 212)

    « cinabre » (520, P. 213)

    « la couleur a "un oeil de rouge" (=intensification imperceptible du jaune et du bleu vers le rouge) » (522, P. 213)

    « l’oxyde arsénieux » (526, P. 214)

    « Soumis à ces traitements, les sucs végétaux constituent un exemple frappant. La curcumine, l’orléane, la safflorite et d’autres encore, dont on a extrait la vertu colorante à l’aide d’esprit-de-vin disposant ainsi de teintures jaune, orange et rouge jacinthe, atteignent au zénith si on leur adjoint des alcalis, et même le dépassent en parvenant au bleu rouge. »

    « lorsque la couleur approche du point de culmination » (531,P. 215)

    « le caméléon minéral » (514, P. 216)

    « minium » (573, P. 221)

    « Toute couleur donc, pour être vue, doit recevoir de l’arrière une lumière. C’est pourquoi les couleurs paraissent d’autant plus belles que les fonds placés en dessous sont plus clairs et plus brillants. Si l’on étend des laques sur un fond blanc à l’éclat métallique – procédé employé dans la fabrication de nos paillons – la splendeur de la couleur apparaît dans cette lumière aussi réfléchissante que dans n’import quelle expérience prismatique. Et même, l’énergie des couleurs physiques repose essentiellement sur le fait qu’avec elles et derrière elles, la lumière est constamment active.

    Lichtenberg, qui d’ailleurs en raison de son époque et de sa situation devait penser conformément à l’opinion courante, était cependant un observateur trop bon et trop avisé pour n’avoir pas remarqué ce qui lui tombait sous les yeux, et pour ne l’avoir pas expliqué et déduit à sa manière. Dans son Avant-Propos à Delaval, il dit : "Pour d’autres raisons, il me semble aussi vraisemblable que notre organe, pour ressentir une couleur, doit en même temps ressentir quelque chose d’une clarté (blanc)." » (583, 584, P. 223)

    RS : « La couleur ne peut donc naître qu’en présence de la lumière. Elle n’est pas une lumière partielle comme le prétend l’optique newtonienne. » (Note, P. 223)

    « La lumière est considérée comme un des premiers moyens de dépouiller les corps de leur couleur. » (596, P. 225)

    « Les plantes qui poussent dans l’obscurité procèdent longuement par nœuds ; mais les intervalles entre ces nœuds sont plus longs qu’il ne convient ; il n’apparaît pas de rameaux latéraux, et la métamorphose de la plante ne s’accomplit pas.

    Par contre, la lumière les fait aussitôt passer à un état d’activité ; la plante devient verte, et la métamorphose chemine inéluctablement jusqu’à la fructification. » (620, 621, P. 230)

    « Dans son état le plus dilué, [le sang] nous apparaît jaune ; concentré comme dans les artères, il est rouge, et précisément le sang artériel est d’un rouge plus vif, probablement à cause de l’oxydation qu’il subit du fait de la respiration ; le sang veineux incline davantage vers le violet... » 643, P. 234)

    « L’influence de la lumière sur les plumes et leurs couleurs est tout à fait perceptible. Par exemple, sur le poitrail de certains perroquets, les plumes sont en fait jaunes. Les plumes extérieures formant écaille, et qui reçoivent la lumière, passent du jaune au rouge. Le poitrail d’un de ces animaux est donc rouge vif ; mais quand on souffle sur les plumes, le jaune apparaît. » (660, P. 237)

    « Nous avons observé que sous bien des conditions, la couleur naît facilement et très vite. La réceptivité de l’oeil à la lumière, le contre-effet ui se produit dans la rétine conformément à une loi, produisent instantanément un léger jeu de couleurs. Toute lumière modérée peut être considérée comme colorée, et même nous pouvons dire de toute lumière, dans la mesure où elle est perçue, qu’elle est colorée. De la lumière incolore, des surfaces incolores sont en quelque sorte des abstractions ; nous ne les percevons guère pratiquement. » (690, P. 245)

    « Considérée en général, [la couleur] se détermine dans deux directions. Elle représente un contraste que nous appelons polarité et que nous pouvons fort bien désigner par un Plus et un Moins. »

    Plus Moins Jaune Bleu
    Efficacité Dépouillement
    Lumière Ombre
    Clair Obscur
    Force Faiblesse
    Chaleur Froid
    Proximité Éloignement
    Répulsion Attraction
    Affinités avec les acides Affinité avec les bases

    (696, P. 246)

    « Le bleu ni le jaune ne se laissent pas concentrer sans qu’un autre phénomène se produise simultanément. Dans son état le plus lumineux, la couleur est déjà quelque chose d’obscur ; si on la concentre, il faut qu’elle devienne plus sombre, mais en même temps elle est dotée d’un aspect que nous désignons par le mot rougeâtre. » (699, P. 247)

    « Les phénomènes multiples étant fixés à leurs différents degrés et considérés l’un à côté de l’autre engendrent une totalité. Cette totalité est une harmonie pour l’oeil. » (706, P. 248)

    Voir placés côte à côte les éléments de la totalité donne à l’oeil une impression d’harmonie. Il faut considérer ici la différence entre l’antagonisme physique et le face à face harmonieux. Le premier repose sur la dualité pure, nue, originelle, dans la mesure où elle est considérée comme quelque chose de séparé ; le second repose sur la totalité déduite, développée et rendue visible.

    Tout face à face, pour paraître harmonieux, doit enclore une totalité. C’est ce que nous enseignent les expériences physiologiques. » (708, 709, P. 249)

    « Nous ressentons devant les phénomènes primordiaux, lorsqu’ils se dévoilent à nos sens, une sorte de crainte qui va jusqu’à la peur. Les hommes qui vivent beaucoup dans les sens se sauvent par l’étonnement. » (Maximes en prose, 1049 citée p. 252)

    « Dissocier ce qui est uni, unir ce qui est dissocié, c’est la vie de la nature ; c’est l’éternelle systole et diastole, l’éternelle syncrise et diacrise, l’aspir et le respir du monde dans lequel nous vivons, sommes actifs ; dans lequel nous sommes. » (739, P. 259)

    « Propriété fondamentale de l’unité vivante : se scinder, se réunir, s’épandre dans le général, se fixer dans le particulier, se transformer, se spécifier, et comme le vivant se manifeste sous mille conditions, apparaître et disparaître, se solidifier et fondre, se pétrifier et se liquéfier, se dilater et se contracter. » (Maximes en prose, 912, citée P. 259)

    « La couleur et le son ne peuvent être en aucune façon comparés entre eux ; mais tous deux peuvent être ramenés à une formule qui leur est supérieure, et dont ils peuvent être déduits, chacun pour soi cependant. La couleur et le son sont comme deux fleuves qui prennent leur source sur une montagne, mais coulent dans des conditions tout à fait différentes vers deux contrées entièrement opposées, si bien qu’en aucun point de leur double cheminement ils ne peuvent être comparés l’un à l’autre.T ous deux sont des effets élémentaires généraux, obéissant à la loi générale de la dissociation et de la tendance à l’union, du flux et du reflux, du va-et-vient, mais dans des directions toutes différentes, selon un mode différent, agissant sur des éléments intermédiaires différents et pour des sens différents. » (748, P. 261-262)

    « Regardons fixement une surface parfaitement rouge : la couleur semble vraiment se river dans l’organe. Elle provoque un incroyable ébranlement et cet effet persiste lorsque l’obscrurité atteint déjà un certain degré. » (776, P. 269)

    « Qui connaît la formation prismatique du pourpre ne verra aucun paradoxe dans cette affirmation : cette couleur contient toutes les autres couleurs en partie actu, en partie potentia. » (793, P. 271)

  • 240819

    24 septembre 2019

    J’apprends que Pierre Guyotat a des alter égo un peu partout : des hétéronymes qui écrivent dans d’autres genres que les siens. Ce Guyotat-là écrit des enquêtes médiévales mainstream, ou alors des genres de cycle gameofthronesien dans le sillage du Nom de la rose, ce n’est pas très clair. Ici, un premier roman chez Actes Sud. Etc. N’est-ce pas Guyotat déjà qui écrivait N’être qu’un masque – et clore bouche et narines 5 ? Moi, j’ai pas de masque. Mais j’ai du mal à distinguer は (wa), お (o) et な (na), dont les idéogrammes semblent former des visages. J’ai besoin d’aide mnémotechnique ou quoi. お a l’air triste : oh... な fait un clin d’œil et tire la langue : na ! は ouvre la bouche un peu, l’air étonné : wah... Voilà. Petite journée pour Eff : 1091 mots sauvés (sur 7061). C’est un bon ratio, un sur sept. C’est quand même moitié moins que l’indice de qualité OK Computer.

  • 250819

    25 septembre 2019

    Quand on prend de la distance et qu’on regarde du dessus la construction des Œuvres I de Danielle Collobert chez P.O.L, ouvrage qui reprend l’ensemble des livres publiés de son vivant en un volume (le tome II étant dévolu aux inédits), un peu comme on le ferait d’un paysage sur une application de cartographie en ligne finalement, on voit l’évolution de la langue en train de se faire. Non : l’évolution de la forme de la langue. Commençant (Meurtre) par l’agrégats de récits, puis se poursuivant (Dire I) par des suites de paragraphes, qui se révèleront plus hachés encore par la suite (Dire II) via la fragmentation induite par les tirets cadratins, pour se métamorphoser en lacis de poèmes (fin de Dire II, puis Il donc), pour finir en poème seul (Survie). Et à la fin, comme souvent dans les œuvres complètes, c’est le couperet de la mort de l’auteure. Écrivant ça ici, je ne dis rien de l’écriture de Danielle Collobert, et pourtant il me semble qu’on saisit. Le sens qu’a pris son œuvre. Le réseau de métamorphoses. À l’intérieur, c’est un récit onirique dont on ne sait jamais sortir, sans jamais comprendre si on en est captif (cauchemar) ou si on souhaite soi y rester vivre une vie plus douce que celle(s) de l’éveil (rêve). Comme l’écriture, en somme. Et dans l’écriture, Danielle Collobert apparaît seule avec le rythme, selon la formule qu’on trouve dans Dire I, et que j’ai un temps imaginé emprunter comme titre pour Après tout. Mais non. On dirait le titre d’un colloque à elle consacré. Mais y a-t-il un jour eu un colloque Danielle Collobert quelque part ? Que font les universitaires ? Après tout, que pendant un temps j’imagine appeler plutôt Une onde ou deux ou Aucune obscurité, pourrait avoir en épigraphe (si je croyais aux épigraphes) l’extrait suivant de Dire II 6 : avec cette lumière pouvoir traquer les choses – les moments – balayer l’espace – aller jusqu’au fond – jusqu’au bout et je repense à cette expression-là, aller au fond de la douleur, c’est-à-dire, dans mon cas, laisser les flux de sensation ouverts, ne pas les circonscrire, refuser la magie blanche de la chimie (comprendre, la plupart du temps, les antidouleurs, quelle que soit leur nature). Pour pouvoir faire ça, il faut en passer par divers stratagèmes visant à réduire au maximum l’intensité de ça, ce flux, et je le fais tous les jours. Dans ce que je prends avant d’aller dormir. Dans ce que je bois sur les coups de dix heures et/ou quatorze. Dans ce que je mange. Là, ça a pris la forme d’une douleur de sept heures complètement blanche, une douleur sans douleur, une sensation quoi. Il y a eu un pic, sur les coups de 22h ou 22h30, puis la décroissance vers une espèce d’atonie noire. Pendant la nuit, j’étais semble-t-il prof en pré-rentrée, quelqu’un nous expliquait que ce n’était plus tolérable de montrer des cadavres aux élèves, et ça causait des remous parmi l’équipe pédagogique : comment, dans ce cas, leur enseigner la médecine légale ? Il me semble que c’est une vraie question. Au réveil, je suis l’œil dans cette espèce d’état qui est le sien quand il émerge de l’obscurité et qu’une lueur forte frappe le tympan photovoltaïque qu’est ou n’est pas la rétine : ouvrant les yeux sous les paupières, on peut voir se former le cercle lumineux, très jaune, saturé, presque fluo, reproduisant la forme de l’iris avec, en son centre, le trou noir de la pupille. Ce que je veux dire, c’est qu’elle n’est pas fixe. Elle se recompose. Partant d’une tâche incurvée en bas, on peut suivre sa progression jusqu’à ce qu’elle atteigne le cercle complet.

  • 221221

    22 janvier 2022

    J’ignore si c’est une conséquence directe de notre conversation téléphonique d’hier, mais le fait est que Philippe De Jonckheere vient me tenir compagnie dans mes rêves. Il me fait visiter un appartement aux pièces un brin non-euclidiennes et le fait est que oui, c’est torve. Regarde, me dit-il, ici, cette perspective a une infinité de points de fuite. C’est vrai. -3 le matin et du givre, tout est blanc. Ma mère révisant son esprit de noël : y a que ton père que je supporte. Si on en croit ce graphique, personne ne fait sa thèse sur Guyotat, personne ne fait sa thèse sur Danielle Collobert. Je dois retrouver I. et L. près de la mairie, devant le carrousel sauf que le carrousel a été remplacé par un bar à huîtres. Dans le centre, des immeubles entiers ont disparu : trous béants dans l’espace de la ville. Rue Blanqui, le cinéma L’Éden n’existe plus. Plus loin, l’ex-Alhambra puis Gaumont puis re-Alhambra a été renommé Mégarama. Rue Denis Escoffier, on peut trouver du maté. Nature ou citron vert ? Pourquoi pas goût barbecue pendant qu’on y est.


  • ↑ 1 Friendly coquille : dénouée.

    ↑ 2 Un peu plus loin, page 37, quelqu’un a encadré cette phrase : Je fuis. chaque jour je prends la forme d’un départ.

    ↑ 3 Et dans l’un de ces plastiques, mazette, une araignée qui marche là sur le film, de la taille d’une pièce de deux euros, pattes comprises, velues et tout. Sans doute qu’elle se trouve là depuis l’emballage de ces trucs dans un pays de l’hémisphère sud, ayant voyagé sous la forme d’un œuf si ça se trouve, tropicale pour ce que j’en sais. On a écrit des scénarios de films d’horreur pour moins que ça.

    ↑ 4 Danielle Collobert, Dire I in Œuvres I, P.O.L.

    ↑ 5 Non, c’est Danielle Collobert, dans Dire I (in Œuvres I, P.O.L, p. 155.

    ↑ 6 Nous sommes page 239.